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9 mai 2010 7 09 /05 /mai /2010 10:17

 

- Voilà la porte, désigna Jorin en tendant le doigt. Tu vas devoir convaincre un serviteur de te laisser entrer. Tu sais comment faire ?

Alana hocha la tête.

- Alors vas-y. Et promets-moi d’être prudente !

Alana acquiesça une nouvelle fois et lui adressa un sourire crispé. L’excitation du moment était retombée et un nœud lui serrait cruellement le ventre. Elle s’éloigna de ses deux amis pour se présenter seule à la petite porte qui devait être utilisée par les domestiques des Balsnark pour aller et venir de la propriété aux rues tortueuses. Elle inspira profondément avant de frapper au battant de bois et d’attendre anxieusement. Aucune réponse ne vint ébranler le silence et elle retenta une approche plus vigoureuse. Ses yeux étaient sans cesse attirés par une cloche en bronze accrochée au mur qui jouxtait la porte. Elle réprouvait l’idée de s’en servir car son tintement retentirait dans toute la rue et attirerait les curieux qui passaient par là. Elle attendit plusieurs minutes avant de fléchir et de s’emparer de la cordelette qui permettait d’actionner la cloche. Elle sonna deux coups secs et portants ; son cœur battait la chamade mais son visage n’en laissait rien paraître. Des pas retentirent derrière la porte, raclant des pieds dans une allée de gravier.

- Qui va là ? Cette maison ne reçoit personne.

La voix résonna à travers le battant d’un ton catégorique.

- Personne ne m’a jamais laissé sur le pas de sa porte, répondit Alana mielleusement. Et votre maître sera sûrement furieux si vous le faîtes. Il ne faudrait pas que sa colère vous retombe dessus.

La trappe de la porte qui permettait d’observer les étrangers sans leur ouvrir et qui se situait à hauteur d’yeux grinça. Elle s’ouvrit lentement, laissant apparaître des yeux noirs surmontés de sourcils broussailleux. Un regard sévère la jugea de haut en bas, sans s’émouvoir.

- Je suis le maître de maison.

Alana recula par surprise et failli trébucher. Elle cligna plusieurs fois des paupières. La malchance s’accrochait à elle jusqu’au bout de son entreprise. Elle n’avait jamais prévu dans ses plans que le vieux Balsnark lui ouvrirait lui-même. Elle l’avait imaginé comme un vieil homme aux cheveux blancs, légèrement voûté d’avoir trop protégé son trésor. Cette image semblait loin de correspondre à la réalité puisque l’homme qui apparaissait derrière la trappe paraissait grand et fier. Elle toussota avant de prendre la parole.

- Je suis incroyablement gênée… murmura-t-elle en baissant humblement les yeux. Vous êtes messire Balsnark ?

- Oui.

- J’ai été envoyé à vou…

- Par qui ? la coupa-t-il brusquement.

- Mes clients préfèrent taire leur nom.

- Alors vous ne m’intéressez pas.

Et le maître de maison ferma la trappe au nez d’Alana. Elle jeta des regards affolés autour d’elle. Elle ne pouvait pas renoncer maintenant, elle était trop près du but !

- Votre femme, déclara-t-elle.

La réponse s’échappa de sa bouche sans qu’elle n’y réfléchisse. Les pas qui s’éloignaient déjà de la porte se stoppèrent pour finalement faire demi-tour. Quelle était la folie qui lui avait fait prononcer cette réponse aberrante ? Quelle épouse enverrait à son mari une prostituée ? C’était simplement impossible. Inconcevable !

La trappe se rouvrit doucement laissant apparaître des sourcils froncés.

- Ma femme ? Ma femme vous aurait demandé de me tenir compagnie ?

Un rire moqueur se fit entendre. Alana sentait son esprit bouillonner pour chercher une explication plausible sans qu’aucune ne lui paraisse appropriée. Elle se lança pourtant d’une voix assurée qu’elle était loin de ressentir.   

- N’avez-vous jamais entendu dire qu’un homme stimulé dans sa vie privée rend son ménage plus heureux ?

- Insinuez-vous que je ne la satisfais pas ? répliqua-t-il aussitôt en haussant le ton.

- Bien sûr que non messire, mais l’expérience dit qu’un peu de piment ne fait jamais de mal. Votre femme fait preuve d’une grande modernité. Je serais fière à votre place d’avoir une épouse capable de laisser sa fierté de côté pour son couple. Car mon passage doit rester secret.

- A quoi bon puisque c’est elle qui vous envoie ?

Alana prit l’air choqué, les lèvres entrebâillées.

- Le dire serait se couvrir de honte ! Cela fait partie des actes dont il faut tirer bénéfice sans le crier à tue tête. Je compte sur vous pour être discret. J’avais promis à votre femme de ne pas révéler que c’était elle qui m’envoyait. Mais je souhaite toucher le reste de l’argent qu’elle m’a promis et je déteste mentir à mes clients. Je remplirais donc la mission qu’elle m’a confiée et je lui donnerais entière satisfaction.

Elle croisa les bras et prit une mine boudeuse, déterminée. Il devait la croire et la laisser entrer, jamais elle n’atteindrait la pierre si elle restait sur le perron. Un courant d’air vint lui caresser la peau et elle eut un frisson involontaire. Ce petit geste mécanique parut décider Balsnark et il referma la trappe, coupant court à leur conversation. Alana soupira. Elle fixa la porte d’un regard vague. Elle avait échoué. Une nouvelle fois. Elle aurait mieux fait d’envoyer Kheka, elle s’en était mieux sortie dans la bijouterie, elle aurait fait mieux à sa place. Elle aurait assurément trouvé une meilleure réponse qu’introduire l’épouse du vieux Basnark dans l’histoire. Elle avait toujours eu trop de culot pour son bien ! Elle tourna les talons pour rejoindre la rue aux pavés poussiéreux quand un raclement se fit entendre. Elle se figea et aperçut le battant de la porte s’entrebâiller lentement sous ses yeux ébahis. Un jardin adroitement entretenu se révéla soudain, obstrué par une tête qui la fixait sévèrement.

- Eh bien, ne vouliez-vous pas entrer ?

Alana scruta le visage de Balsnark pour déceler une trace d’ironie dans son regard avant d’avancer d’un pas. Elle se tint droite devant lui et les yeux de l’homme s’allumèrent d’une lueur de convoitise. Il s’écarta légèrement pour la laisser passer et Alana s’engagea sur le chemin de cailloux qui traversait le jardin. Il referma la porte derrière elle sans ajouter un mot et la précéda jusqu’à sa demeure. Alana profita du trajet pour l’observer du coin de l’oeil. Il avait une forte carrure et devait la dépasser d’une tête et demie. Ses cheveux gris clairs étaient coupés courts et sa démarche suffisante ne lui inspirait pas confiance. Elle se força pourtant à adopter une allure légère et un visage avenant malgré ses mains moites et la boule qui occupait toujours son ventre. Elle reporta son attention sur ce qui l’entourait et observa une petite cour qui se dégageait lentement après un tournant. Une fontaine en pierre blanche était accolée au mur de la maison qui délimitait l’un des bords de la cour. Balsnark la regarda, enregistrant les détails de sa tenue avec un sourire satisfait.

- C’est ici, après vous, l’invita-t-il en lui ouvrant la porte.

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6 mai 2010 4 06 /05 /mai /2010 20:27

 

« Aucun acte n’est folie petite, si tu y mets du cœur. »

 

 

Alana se tourna vers Kheka.

- C’est bon, elle est bien mise ?

Kheka l’observa d’un œil critique. Alana avait revêtu la tenue qu’elle avait dérobée et nouait le dernier nœud derrière sa nuque. Jorin avait été chargé de trouver la porte de service de la propriété des Balsnark. Les deux jeunes femmes pouvaient ainsi préparer Alana sans être dérangées.

- Vous êtes aussi… attrayante que prévue. Mais personne ne s’habillerait ainsi avec un visage aussi naturel qu’est le votre ! Puisque nous n’avons rien apporté avec nous, je vais faire mon possible mais je ne vous promets rien.

Kheka passa derrière Alana pour lui saisir les cheveux. Elle les rassembla en un haut chignon qu’elle attacha tant bien que mal avec un des colliers qu’elle avait retiré. Elle laissa quelques mèches se balancer devant les yeux d’Alana puis elle s’écarta, jugeant le résultat d’un froncement de sourcil. Elle jeta un coup d’œil autour d’elle jusqu’à repérer un assortiment de légumes et de fruits pourris, abandonnés non loin de là.

- C’est notre jour de chance ! déclara-t-elle à en se dirigeant vers eux.

Elle les rapporta près d’Alana qui la regardait  perplexe. Kheka plongea un doigt dans des bais foncés que même une chèvre aurait refusé de manger tant leur consistance était pâteuse.

- Fermez les yeux s’il vous plait.

Elle étala précautionneusement le sombre jus sur les paupières d’Alana. D’un autre doigt, elle rougit le haut de ses pommettes à l’aide d’un fruit qui avait la couleur d’un couché de soleil.  

- Mordez-vous les lèvres pour qu’elles paraissent plus rouge, murmura-t-elle en considérant son œuvre.

Alana obéit et Kheka hocha la tête d’un mouvement approbateur.

- Ce n’est pas parfait mais personne ne mettra en doute vos intentions de séduire. Vous êtes très belle même si je désapprouve toute femme qui s’affublerait ainsi.

Alana sourit.

- Ne t’inquiète pas, je ne serais jamais une des leurs. Et je suis sûre que tu as fait des merveilles ! Merci Kheka, nous n’aurions eu aucune chance de réussir sans toi.

- Tout n’est pas encore fini ! la gronda Kheka mais ses yeux luisaient de fierté.

- Je peux venir ? appela soudain la voix de Jorin, hors du cul-de-sac dans lequel elles s’étaient réfugiées.

- Oui, nous avons fini ! s’exclama Alana gaiement. Il ne te reste plus qu’à approuver ma transformation et à nous conduire jusqu’à la porte des domestiques.

La tête de Jorin apparut à l’embrasement d’un mur et il s’engagea dans la ruelle. Il s’arrêta pourtant à quelques pas de là quand il aperçut Alana. Elle était d’une beauté stupéfiante, bien loin de la petite fille dont il se moquait à l’occasion. Si à l’auberge il avait découvert une nouvelle facette d’Alana vêtue d’une robe seyante, la femme qui lui faisait face lui était totalement étrangère. Le jus sombre des bais agrandissait son regard tandis que sa bouche affichait une moue boudeuse. Ses cheveux embroussaillés en un chignon semblaient avoir été rassemblés mèche par mèche pour donner l’impression qu’elle était indomptable. La robe noire au voile d’argent laissait apparaître des formes généreuses. Alana ainsi transformée n’aurait pas eu de mal à faire concurrence à la sublime Naphity.

- Je… bredouilla-t-il en tentant de retrouver la parole. J’approuve ta tenue. C’est… parfait.

Alana lui décocha un grand sourire qui faillit faire trébucher Jorin de surprise.

- C’est Kheka qui s’est chargée de m’arranger, par contre ce maquillage de fortune colle un peu. C’est pas mal, non ?

Jorin se força à détourna la tête tandis que Kheka étouffait un rire discret.

- Je te préfère naturelle, grogna-t-il. Tu es sûre de vouloir le faire ? Tu sais que tu peux encore renoncer.

- J’ai promis.

- Une promesse a un noble que tu ne connais pas et qu’il a déjà du oublié de son côté.

- Je sais que c’est complètement idiot de vouloir récupérer cette pierre à tous prix, Jorin ! Mais je… dois le faire. C’est comme ça, c’est comme si je n’avais pas le choix.

Jorin acquiesça même s’il n’était visiblement pas convaincu. Ce n’était pas la première fois qu’ils avaient tous les deux cette conversation. Kheka avait tenté d’ajouter que la magie n’existait pas et que tout leur péril reposait sur une légende mais plus ils défendaient leurs arguments, plus Alana s’entêtait à affirmer qu’il y avait trop de coïncidences. 

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6 mai 2010 4 06 /05 /mai /2010 20:21

 

Alana était adossée au mur, la mine songeuse. Elle entendait à l’intérieur les compliments de Kheka fuser sur le bijou et amener petit à petit l’artisan à leur céder leur « bague de fiançailles ». La colère qu’elle avait ressentie avec une telle fureur la laissait songeuse et déboussolée. Elle connaissait son caractère, elle savait qu’elle n’était pas le genre de femmes de tout repos, mais jamais elle ne se laissait déborder ainsi par des sentiments. C’était la deuxième fois de la journée qu’une telle tempête se déchaînait en elle. Dès qu’elle s’était pourtant retrouvée à l’air libre, elle avait repris ses esprits et s’était aperçue de l’absurdité de son comportement. Jorin avait eu raison de l’éloigner, elle aurait obtenu le résultat inverse de celui escompté si elle avait persisté dans ses propos désagréables. En temps normal, elle aurait amené le joaillier à leur vendre la bague de la même manière que Kheka était entrain de le faire. Ils avaient eu raison de l’emmener avec eux, elle était très bonne comédienne et beaucoup plus raisonnable qu’elle. Si une personne devait être rendue responsable de l’échec de leur mission, ça serait elle. Elle n’avait aucune excuse mais elle avait eu tant de mal à se contrôler qu’un nouveau frisson la parcourut.

Jorin et Kheka finirent par sortir, main dans la main, l’air enchanté. Elle leur emboîta le pas quand ils s’éloignèrent de la boutique. Ils s’arrêtèrent une bifurcation plus tard et Kheka se sépara de Jorin. Alana crut surprendre un mouvement de regret de la part de son ami qui finit par se tourner vers elle.

- Quelle mouche t’a piquée toute à l’heure ? Tu as failli tout faire louper ! lui reprocha-t-il d’un ton sec. La prochaine fois, réfléchis ! Heureusement que Kheka a rattrapé l’affaire avec son idée de mariage.

- Je… Désolé. Je n’ai aucune excuse, murmura-t-elle en grimaçant. J’étais tellement furieuse, Jorin, ça m’a fait peur ! C’était comme au bordel, comme si un flot de sentiments se déversait en moi et emportait tout. C’était effrayant, je n’arrivais plus à me contrôler !

Le visage de Jorin perdit toute trace de reproches et sa main vint lui effleurer les cheveux.

- Chut, c’est normal que tu sois déstabilisée avec tous les évènements que tu as vécu. Imagine tout ce que tu as du encaisser depuis hier, ce n’est pas étonnant que tu sois à fleur de peau.

- Et vous devez être fatiguée, vous vous êtes couchée tard avec le banquet donné en votre honneur. Sans parler de l’heure à laquelle vous vous êtes levée ! ajouta Kheka en lui adressant un sourire rassurant.

Alana les regarda avec affection et acquiesça lentement. Elle devait avoir atteint la limite de sa capacité à s’adapter à toutes les situations. Elle respira un grand coup et essaya de détendre ses membres encore raides. De toute façon, elle ne pouvait pas encore se reposer. S’ils avaient récupéré les cartes qui leur permettaient de jouer la partie, ils devaient maintenant les aplatirent et voir si la donne leur serait favorable.

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6 mai 2010 4 06 /05 /mai /2010 20:16

 

Les deux jeunes femmes accompagnées de Jorin empruntèrent une nouvelle fois les dédales de Syrma. Ils durent traverser de nombreuses rues où charrettes et paysans déambulaient dans un même mouvement pour rejoindre les champs à l’extérieur de la ville. Ils débouchèrent devant l’atelier du joaillier où étaient exposées ses plus belles créations. Certains bijoux étaient en or, artistiquement travaillés, d’autres en perles ou en ivoire apportaient une note de douceur à l’étalage. Ils entrèrent dans le magasin, faisant tinter une petite clochette qui était accrochée à la porte. L’artisan, un homme aux cheveux grisonnants qui portait une lunette à l’œil droit, leva la tête vers eux.

- Vous désirez ? leur demanda-t-il poliment.

- J’aimerais voir la bague sertie d’une émeraude, celle qui a fait votre renommée. Si vous me le permettez, ajouta Alana en s’avançant vers le commerçant.

- C’est que, je ne l’ai plus. Il me reste seulement une copie infiniment moins sublime. Il faut dire que la pierre d’origine était d’une pureté sans égale ! Mais pourquoi souhaitez vous la voir ?

- On m’en a beaucoup parlé. Il parait que c’était vraiment un chef-d’œuvre !

- Eh bien, eh bien, susurra le joaillier en rougissant de plaisir, je peux bien vous montrer la copie.

Il passa derrière le comptoir sur lequel s’accumulaient de multiples petits outils qui servaient à fabriquer les colliers et les bracelets qu’il vendait. Il sortit d’un grand tiroir une petite boite dorée qu’il posa religieusement sur la table, écartant son désordre d’un geste du bras.

- La voilà, murmura-t-il et il ouvrit la boîte, dévoilant la bague.

Jorin s’approcha d’Alana pour la contempler alors que Kheka se désintéressait de la scène. Elle explorait les vitrines, les yeux grands ouverts comme une enfant au pays des friandises. L’artisan regardait avec extase le petit bijou. Alana fronça les sourcils ; elle savait que la pierre n’était pas grosse mais elle ne semblait pas dépasser pas de taille l’ongle de son pousse. L’anneau en or finement gravé de motifs sinueux donnait à la bague un parfum de mystère mais sa beauté s’arrêtait là.

- Il faut bien sûr imaginer en son centre la pierre la plus éclatante et la plus merveilleuse qu’il soit, ajouta le joaillier comme il remarquait le changement d’expression d’Alana.

Elle opina de la tête mais garda un visage contrarié.

- Pouvons-nous l’acheter ? demanda-t-elle abruptement.

Jorin la fixa d’un air ahuri. L’artisan écarta la bague d’eux, les yeux révoltés.

- Bien sûr que non ! s’écria-t-il. C’est le seul souvenir de ce qui a été ma plus grande fierté. Je ne la vendrais à aucun prix !

Alana sentit l’agacement la gagner. La sensation d’être oppressée la reprit, lui compressant la poitrine. Elle ne voulait pas fuir la pièce mais rabattre le clapet à ce vieil homme à l’œil démesurément grand du fait de sa lunette. Elle souhaitait seulement acheter cette malheureuse petite bague qui ne valait en rien le détour. Et elle avait de quoi payer ! Rien ne l’empêcherait de la récupérer. Elle leva son poignet et détacha un bracelet en or incrusté de diamants qu’on lui avait permis de porter au banquet et qu’elle n’avait pas retiré. Elle laissa se balancer un instant le bijou entre ses mains avant de le poser négligemment sur le comptoir.

- Ce magnifique bracelet contre cette toute petite bague, déclara-t-elle.

Les yeux du joaillier ne purent s’empêcher de fixer le bijou qui était d’une qualité indéniable. Il resserra un peu plus contre lui la boite qui contenait la bague.

- Non, je ne la vendrais pas, marmonna-t-il.

Alana ressentit une bouffée de colère l’envahir. Il lui fallait cette bague à tout prix ! Le marché était pourtant clairement avantageux pour lui. Elle se mordit la lèvre pour s’empêcher de lui faire une remarque désobligeante. Ce n’était pas compliqué d’accepter une telle offre, n’importe qui le ferait. Il ne l’empêcherait pas de tenir sa promesse !

Elle sentit la main de Jorin sur la sienne.

- Alana, lui chuchota-t-il à l’oreille, je ne sais pas ce qui te prend mais si tu continues à faire cette tête là et à t’énerver, nous ne récupérerons jamais cette bague ! Va faire un tour dehors s’il te plait pour reprendre tes esprits.

Alana serra les poings jusqu’à enfoncer ses ongles dans sa peau pour ne pas hurler de frustration. Elle était piquée au vif que Jorin ne la soutienne pas. Elle se tourna néanmoins vers la sortie et se dirigea vers la porte. Elle fit d’énormes efforts pour ne faire demi-tour et subtiliser par la force la bague qui lui fallait à tout prix. Elle passa le seuil de l’atelier, des larmes de rage lui brouillant la vue.

Kheka observait la scène médusée. Elle n’avait plus bougé depuis qu’Alana avait haussé le ton, la bouche entrouverte de surprise. Elle comprit qu’elle devait détourner l’attention du joaillier et le mettre en confiance s’ils voulaient parvenir à récupérer la bague. Elle se dirigea donc avec un grand sourire vers Jorin qu’elle prit par le bras, appuyant sa tête contre son épaule.

- Oh, c’est cette bague dont tu me parlais ?

Elle écarta innocemment les mains de l’artisan qui la cachaient pour la contempler et prit un air enchanté.

- Elle est magnifique ! Tu avais raison, elle est parfaite ! C’est que, dit-elle en se penchant vers le bijoutier comme pour lui déclarer un secret, mon fiancé veut toujours le meilleur pour moi. Il a même demandé des conseils à cette… impertinente demoiselle !

Jorin fixait bouchée bée Kheka qui prenait un air scandalisé. Le joaillier hocha vigoureusement la tête pour signifier son approbation.  

- Mais elle avait raison sur un point, cette bague est merveilleuse ! Je peux l’essayer ? minauda Kheka en faisant les yeux doux.

L’artisan s’apprêtait à refuser mais il fut coupé par Jorin.

- S’il vous plait, ça lui ferait tellement plaisir ! Et à moi aussi, car tout ce qui la rend heureuse, me rend également heureux.

Il tourna la tête vers elle et s’empara de son visage encadré par de soyeuses boucles blondes. Elle était jolie avec ses grands yeux bleus qui lui donnaient un air enfantin. Ses cils papillonnèrent quand ses lèvres effleurèrent les siennes et ses joues rosirent.

- Ah l’amour ! murmura le bijoutier. Juste essayer alors !

Il leur tendit la bague en prenant plaisir à voir rayonner le couple. Jorin s’en empara et l’enfila au doigt de Kheka qui prit un air ravi. 

 

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25 avril 2010 7 25 /04 /avril /2010 18:48

Devant elle se dressait une grande baignoire, vide. Elle ressentit soudain la caresse de la vapeur chaude sur sa peau. Elle jeta un coup d’œil autour d’elle mais tout était sec et d’une propreté impeccable. Elle tenta de se convaincre qui ne s’agissait que d’un souvenir mais les sensations étaient si réelles qu’elle crut un instant être retournée dans le passé. Elle se rappelait de tout, tout, tout ! De nouveau, l’impression d’une main d’homme sur sa nuque se fit sentit et elle éprouva l’effleurement dénudé de tendresse jusqu’au creux de ses reins. Ses yeux s’embuèrent sans qu’elle ne s’en rende compte. Elle fut prise d’une terrible envie de rebrousser chemin, de repartir de ces lieux maudits qu’elle en frissonna de consternation. Sa main se leva vers le verrou. C’était comme si une force invisible voulait la voir hors d’ici. Ridicule ! Elle sécha d’une main impérieuse les larmes qui se bousculaient. Elle n’avait pas le temps de pleurnicher, elle devait trouver cette tenue sans quoi elle ne pourrait jamais s’introduire dans la maison des Balsnark pour leur dérober la pierre.

Alana franchit en quelques pas la distance qui la séparait d’une grande armoire. Elle tourna la clef qui la maintenait fermée. Elle n’avait pas osé l’ouvrir quand on l’avait introduite ici en faisant montre d’une gentillesse hypocrite. Elle avait revêtue sagement la tenue qu’on avait préparée pour elle, une petite robe rose à dentelle. Quelle sotte ! Elle ouvrit l’armoire d’une brusque secousse, les mains encore tremblantes, et relâcha son souffle. Comme elle avait espéré, celle-ci renfermait les tenues les plus extravagantes des catins. Elle commença à farfouiller dedans mais des bruits de porte qui s’ouvraient et se refermaient lui firent lever la tête. Elle jeta un coup d’œil au verrou pour vérifier qu’il était correctement fermé. Visiblement, elle ne pourrait pas prendre le même chemin qu’elle avait pris pour entrer. Alana se prit la tête entre les mains. Réfléchir, posément.

Elle jeta un coup d’œil aux fenêtres qui permettaient de laisser pénétrer la lumière dans la pièce. L’une était une étroite ouverture dans laquelle elle pouvait se faufiler mais elle ne pensait pas avoir d’accroches pour redescendre de l’autre côté. L’autre se révélait mener au toit et si elle parvenait à l’atteindre, elle pourrait peut-être s’y échapper. De nouveau elle eut une folle envie de tirer un meuble, monter dessus et s’enfuir par l’ouverture sans même prendre le temps de s’emparer d’une tenue suggestive. Elle se força à respirer longuement et s’empara des premiers vêtements de l’armoire qui lui tombèrent sous la main. Elle les noua tant bien que mal à sa taille, posant certains sur son épaule puis elle entreprit de faire basculer la baignoire pour grimper dessus. Un martèlement soudain sur la porte de la salle de bain la fit sursauter.

- Elle est là, je l’ai trouvé ! Amenez un maillet que je fasse sauter cette serrure !

Alana sentit son cœur cogner dans sa poitrine. Elle renversa dans un dernier effort la bassine, le souffle court. Elle monta immédiatement dessus et poussa la fenêtre qui opposa une résistance. Les larmes revinrent piqueter les yeux d’Alana. Jouer les aventurières n’était pas fait pour elle. Elle insista pourtant sur le loquet de la vitre qui finit par céder, lui précipitant au visage un nuage de poussières. Le coup d’un marteau à l’emplacement de fer du verrou retentit, perçant l’atmosphère d’un bruit assourdissant. Alana n’attendit pas une seconde de plus et se hissa sur le toit du bordel. Elle écorcha ses mains et ses coudes en se tortillant pour monter ses jambes mais elle ressortit sans trop de mal à l’air libre. Elle referma le loquet de la fenêtre et lui infligea quelques coups de pieds dans l’espoir que cela suffirait à le bloquer. Elle n’attendit pas de vérifier son hypothèse car déjà des voix résonnaient dans la pièce au-dessous d’elle. Elle n’était pas passée loin.

Alana s’accroupit et courut jusqu’à une gouttière. Elle s’accrocha à elle et se laissa doucement glisser à terre. Elle avait toujours été agile et elle avait trouvé sur les toits une maison calme, toujours prête à l’accueillir. Elle était habituée à se déplacer sur les tuiles glissantes et connaissait les astuces pour y monter comme pour redescendre sur terre. Jorin se moquait souvent d’elle en la comparant à un chat de gouttière.

Alana s’adossa au mur pour reprendre son souffle. La sensation oppressante qui l’avait accompagnée à l’intérieur avait disparu. Elle se rendit compte que penser à son passé n’était pas plus douloureux qu’avant. Elle avait du laisser la panique la déborder. Mais elle avait réussi ! Elle remit rapidement de l’ordre dans ses vêtements et sa chevelure et s’approcha d’un coin du mur. Elle aperçut Jorin et Kheka qui l’attendaient, accoudés à une petite barrière de l’autre côté de la rue. Elle mit deux doigts dans sa bouche et siffla à trois reprises. Jorin leva la tête et l’aperçut leur faire un signe. Il tapota l’épaule de Kheka qui se leva aussitôt. Ils eurent tôt fait de la rejoindre alors qu’elle discernait déjà des coups de plus en plus violents ébranler le loquet de la fenêtre d’où elle venait de s’échapper et qui tenait miraculeusement. Elle les pressa pour qu’ils s’enfuient quelques rues plus loin. Tandis qu’ils s’éloignaient en courant, un hurlement retentit, se répercutant sur les murs des maisons. Naphity venait de comprendre qu’Alana lui avait définitivement échappé.

 

- Tu étais pâle comme un fantôme quand nous sommes arrivés ! Pourquoi n’es-tu pas revenue par la porte d’entrée ? Et quel était ce cri derrière nous ? la pressa Jorin quand ils s’arrêtèrent enfin.

- Je… déteste cet endroit, murmura Alana.

Ses yeux laissaient transparaître des traces de colère et de panique. Il n’insista pas même si les questions se bousculaient sur ses lèvres. Jorin s’empara des vêtements qu’elle avait volés et les tria sans prendre garde à ses protestations. Il en choisit une qu’il lui présenta.    

- Celle-là suffira, elle conviendra.

La tenue était d’un noir satiné recouverte d’une légère gaze d’argent. Alana s’en empara sans protester et la fourra dans la sacoche que Kheka venait de lui rendre. Les autres vêtements allèrent se perdre dans une cagette posée non-loin de là.

- Et bien, en route pour la joaillerie ! s’exclama Alana en se forçant à sourire.

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25 avril 2010 7 25 /04 /avril /2010 18:47

Alana entraîna Jorin et Kheka dans une course à travers les rues sans leur donner d’autres explications. Ils passèrent devant des étales de marchands qui proposaient des bibelots et des denrées alimentaires. Quelques draps étaient pendus aux fenêtres pour être aérés comme l’air doux du printemps venait chasser les effluves de moisissures qui régnaient auparavant dans la ville. Kheka grimaça quand ses souliers atterrirent dans une flaque, vestige des dernières pluies. Jorin ne se souciait pas de ces détails et couraient sans prendre garde où il mettait les pieds. Alana se stoppa soudain devant une autre auberge à l’enseigne aguichante où une femme relevait sa jupe, dévoilant de fines jambes.

- C’est là, leur apprit-elle en reprenant son souffle. Ceci est un bordel et je compte m’emparer d’une tenue qui m’ouvrira la porte du vieux Balsnark.

Kheka lui jeta un regard affolé tandis que Jorin secouait la tête, contrarié.

- Et une fois dans sa propriété, tu feras quoi ? Ce n’est pas un plan ça. Je veux bien t’aider à récupérer cette pierre, mais pense un peu aux conséquences !

Alana fronça les sourcils.

- J’entrerais dans sa maison, je le droguerais et je volerais la pierre. Demain, je serais loin de Syrma, hors de danger.

Kheka perdit son souffle et elle dût serrer les coins de sa robe pour empêcher ses mains de trembler. Son assurance semblait s’être dissoute, mais le menton qu’elle releva prouvait qu’ils ne se débarrasseraient pas d’elle aussi facilement. L’expression de Jorin ne changea pas et resta de marbre.

- Le vieux grincheux voudra un coupable. Et si tu n’es pas là, il trouvera quelqu’un d’autre. Un innocent payera à ta place. Tu en es consciente ?

- Il ne s’en apercevra pas !

- Si. Un homme ambitieux vérifie toujours la place de son trésor. Et cette pierre est sa fierté.

- Et si je ne laissais aucune trace ? finit par dire Alana d’une voix suppliante.

Elle ne voulait pas abandonner maintenant. L’empressement qu’elle ressentait à accomplir sa promesse la surprenait. Elle l’avait prononcé sans y accorder d’importance mais elle voulait la remplir. Elle se rendit compte qu’elle croyait à cette folie de pierres magiques et qu’elle était convaincue que les récupérer était important. Et puis, c’était aujourd’hui ou jamais.

- Il le verra, déclara simplement Jorin, mettant fin à ses espoirs.

Un silence s’établit entre eux, chacun plongé dans ses réflexions. Ils se tenaient sans bouger devant l’auberge et l’écriteau se balançant paresseusement au-dessus d’eux semblait les narguer. Alana soupira et se détourna, faisant face à la rue où ne circulaient que quelques passants pressés.

- Pas la peine de rester là, ça ne sert à rien.

- Et si… risqua timidement Kheka qui n’avait pas ouvert la bouche depuis qu’elle avait insisté pour les accompagner.

Jorin la dévisagea avec perplexité tandis qu’Alana réalisait un demi-tour sur elle-même, pleine d’espérance.

- Si on remplaçait la bague par une autre bague ?

- Il le remarquera tout de suite, déclara aussitôt Jorin avec une moue dérisoire.

Alana se rapprocha pourtant d’eux et planta un doigt sur le torse de Jorin.

- Sauf si on récupère la copie du bijoutier ! Avoue que ça pourrait marcher !

Jorin grimaça mais finit par acquiescer lentement. Le visage d’Alana s’éclaira d’un sourire.

- Tu es géniale Kheka ! s’écria-t-elle en lui plantant un baiser sur la joue. Je reviens !

Et sans plus attendre, elle rejoignit la porte du bordel « Au cotillon brodé » qu’elle poussa. Elle s’introduisit à l’intérieur, découvrant la même salle que dans ses souvenirs. Aussitôt un violent tremblement l’ébranla et elle faillit faire demi-tour. Elle pensait avoir surmonté ce qu’elle avait vécu ici mais tout venait soudain se rappeler à elle dans les moindres détails. La sensation d’une main ferme et calleuse sur son cou la fit se retourner brusquement mais il n’y avait personne. Sa respiration s’affola mais elle se força à s’éloigner de l’entrée malgré ses jambes flageolantes. Un coup d’œil à la cheminée lui rappela la première fois qu’elle avait vu l’homme qu’elle détestait le plus au monde. Elle ferma les yeux et tenta de faire le vide dans son esprit alors qu’un nouveau frisson parcourait son corps.

- Qui va là ? s’exclama une voix qui venait de l’étage.

Un bruit de talon descendant l’escalier qui menait aux chambres se fit entendre.

- Nous sommes fermés le midi, nous n’ouvrons que le soir. Et nous n’acceptons aucune réservation.

Alana ouvrit lentement les yeux et vit apparaître la majestueuse Naphity dans une robe au corset transparent où s’envolaient une nuée de papillons brodés. Son cœur s’accéléra tandis qu’elle se revoyait prendre innocemment sa main.

- Je suis désolée mais notre clientèle est exclusivement masculine. Ou est-ce que vous cherchez du travail ?

A cette suggestion, Alana ressentit une bouffée de chaleur. Jamais elle ne subirait une nouvelle fois cette humiliation. Cette femme… Cette femme au sourire trop parfait, aux yeux de biche qui recelaient une lueur glacée invisible au premier regard… Cette femme était une vipère, elle s’enroulait silencieusement autour de votre cou avant d’injecter son poison jusqu’au cœur. Alana se redressa et marcha d’un pas déterminé vers Naphity, dictée par une colère qu’elle croyait avoir domptée.

- Je viens chercher une de vos… tenues provocantes. Vous savez celles que vous utilisez pour appâter les hommes.

Naphity haussa un sourcil et laissa un rire cristallin se répendre dans la salle vide.

- Et en quel honneur te laisserais-je faire une telle chose, jeune ignorante ?

- Oh mais vous me devez au moins ça, répondit Alana d’une voix brulante d’ironie.

Un instant de silence s’écoula avant que Naphity ouvre de grands yeux et s’écrie d’une voix accusatrice.

- Mais je te reconnais, tu es la sauvage qui a osé me frapper! A cause de toi, je suis restée défigurée pendant plusieurs jours !. Et tu as le culot de te présenter ici, ça ne se passera pas comme ça ! Irène, Christie ! cria-t-elle d’une voix stridente. Luuuuc !

Bizarrement, à mesure que la colère de Naphity s’enflammait, Alana ressentait un grand calme l’envahir. Elle observait avec une complaisance malsaine le visage de son interlocutrice se déformer par la haine et révéler sa vraie nature. Sans se soucier des appels assourdissants qui résonnaient dans la salle commune et sans ajouter un mot, Alana contourna Naphity et s’élança dans l’escalier. Ses souvenirs étaient d’une netteté incroyable ; rien de ce qu’elle avait vécu là ne semblait avoir voulu s’effacer. Elle courut à travers le long couloir, recouvert d’un tapis violet aux franges d’or. Des tableaux de déesses et de nymphes nues parsemaient les murs. Elle se hâta jusqu’à une porte qu’elle ouvrit d’un geste brusque. Elle entendait déjà des mouvements derrière elle mais pour l’instant, ils se dirigeaient tous vers la pièce qu’elle venait de quitter. Elle tira un vieux verrou qui n’avait pas du être utilisé souvent au vu de son grincement.

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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 21:07

 

- Jak ! l’appela Alana avant qu’il ne disparaisse. Strefta m’a dit que Jorin travaillait avec toi, il est là ?

- Oui, oui, Severy est malade, il est à ses côtés avant que les clients arrivent. Tu veux que je l’appelle ?

- Je peux plutôt allez les voir ?

- Mais bien sûr, tu connais le chemin !

Jak disparut derrière le battant de la porte. Alana reporta son attention sur Kheka qui se tordait les mains. La jeune femme avait un caractère assuré tant qu’elle était au château ; c’était la seule qui lui avait parlé d’égale en égale sans avoir peur des conséquences. Mais maintenant qu’elle était en ville, Alana s’apercevait de la crainte que Kheka éprouvait à l’égard de ceux qu’on considérait comme les « non éduqués ».

- Je te laisse seule un instant, lui dit Alana avec un sourire rassurant. Ne te fie pas aux manières un peu brusques de Jak, il ne ferait pas de mal à une souris !

Kheka hocha la tête. Alana posa la main sur son épaule en signe d’encouragement avant de se lever et de se diriger vers un escalier en bois qu’elle gravit. Les marches grincèrent sous ses pieds. Elle gagna la dernière chambre du couloir tandis que le parquet crissait plaintivement. Elle ouvrit doucement la porte et s’introduit sans bruit dans la pièce. Une femme d’un certain âge était allongée dans le meilleur lit de l’auberge. Son visage était pâle mais un fin sourire étira son visage quand elle aperçut Alana. Jorin était à son chevet, penchée vers elle. Il était entrain de lui lire un vieux livre qui retraçait l’histoire d’un sage qui par ses convictions était parvenu à rendre la vie meilleure à un petit faubourg abandonné de tous. Ce n’est que quand la femme leva la main avec difficulté pour la saluer qui se tourna dans sa direction.

- Toi ! s’exclama-t-il en se levant d’un bon.

Jorin se précipita vers elle sans se soucier du bruit de la chaise raclant le plancher. Il fut à sa hauteur en quelques enjambées et la fit tourbillonner en l’air.    

- J’avais peur de ne plus te revoir avant un an entier !

- Et non, tu ne peux pas te débarrasser de moi aussi facilement, lui répondit-elle en plantant un baiser sonore sur sa joue.

- J’espère bien ! Tu vas bien ? Je sais qu’on s’est quitté que hier mais… Tu as quelque chose de différent.

Alana lui asséna une claque sur l’épaule.

- Arrête de dire des bêtises, je n’ai pas changé d’un poil !

- D’un poil tu es sûr ? répliqua-t-il en semblant chercher le poil manquant, les yeux plissés.

Jorin remarqua alors la robe ajustée d’Alana, couleur prune. Ses yeux glissèrent sur sa poitrine qui n’était plus gâchée par une chemise tombante et s’arrêtèrent quelques instants de trop dessus. Ses hanches se laissaient devinées sous le fin tissu et même si la robe était loin d’égaler celles que portait habituellement la bonne société, elle laissait apparaître une facette d’Alana qu’il ignorait. La bouche de Jorin s’entrouvrit tandis qu’un frisson invisible le parcourait. Il trouvait Alana… désirable.

- La petite fille devient une femme à ce qu’il semble, laissa-t-il échapper.

Alana baissa un regard surpris sur sa tenue et rougit. Elle décocha une nouvelle tape sur l’épaule de Jorin.

- Tu ne sers décidément à rien, lui dit-elle d’un ton faussement réprobateur.

Jorin feint d’être choqué mais le sourire qu’il lui adressa prouvait clairement le contraire. Alana rejoint le lit où Severy attendait patiemment qu’ils aient fini de se retrouver. Elle discuta un moment avec la femme de l’aubergiste, s’enquissant avec intérêt du traitement qu’elle suivait. Elle ajouta une herbe contre la fièvre à la tisane que Severy but ainsi qu’une poudre qui permettait de dormir. La sacoche que lui avait confiée Strefta trouvait déjà son utilité. Alana se retira pour la laisser dormir Elle retrouva Jorin accoudé près de la porte qui l’attendait.

- Sortons, tu veux, lui chuchota-t-elle en l’entrainant dans le couloir.

Elle referma la porte derrière eux.

- J’ai tant de choses à te dire ! Ca fait un jour que nous nous ne sommes pas vu mais j’ai l’impression que cela fait une éternité. Tu m’as presque manqué ! Tu ne devineras jamais ce qu’il m’est arrivé. J’ai donc rencontré le roi mais aussi le prince et j’ai dansé avec des nobles très importants. Bon, je t’avoue que je n’étais carrément pas la bienvenue, il suffisait de voir comment on me regardait… Mais j’ai quand même réussi à rencontrer des personnes très intéressantes et si tu savais toutes les richesses que recèle le château !

Alana lui raconta en détails son excursion parmi les nobles. Jorin la regardait tantôt avec des yeux effarés, tantôt avec une expression amusée et elle réussit même à le faire rire quand elle lui décrit la petite blonde aux joues rebondies qui l’avait ennuyée tout le banquet. Elle lui confia également la recherche des pierres vertes de Dhalim en lui faisant promettre de ne pas le répéter à quiconque. Cela avait semblé important bien qu’elle restait perplexe devant cette histoire. Quand elle se tut enfin, Jorin la regardait, immobile. Son expression était fermée ce qu’elle savait signifier chez lui une intense concentration.

- Cette histoire de pierres vertes me dit quelque chose, finit-il par déclarer devant ses yeux interrogateurs. Ca a fait un tabac pas possible dans Syrma… Je crois que c’était au mariage du vieux grincheux, tu sais mister Balsnark. Il avait fait monter sur une bague en or une émeraude aux reflets les plus purs. Le bijoutier avait failli s’évanouir de plaisir quand il l’avait tenu. Il en a même fait une copie pour s’en souvenir ! Ca a fait jaser les femmes de la ville pendant un bon mois. Balsnark partageant sa fortune en se mariant à une femme boulotte, sans charme apparent, suffisait déjà à alimenter les ragots. Mais l’histoire de cette bague a amplifié la rumeur. On dit même que cette pierre est responsable de la richesse du vieux grincheux. Elle porterait chance ou quelque chose comme ça !    

Alana le fixait sans bouger, pensive.

- J’ai promis d’aider Dhalim si je pouvais…

- Tu ne peux rien faire, leur maison est une véritable forteresse ! Et la femme de Balsnark est en voyage ce qui n’arrange pas l’affaire.

- Mince, elle a du emporter sa bague de mariage avec elle !

- Non, elle est aussi cupide que son mari, elle n’oserait jamais l’emporter avec tous les voleurs qui courent en ce moment les rues. Mais le vieux grincheux ne quitte plus sa maison quand sa femme n’est pas là. Enfin pour le moment, nous ferions mieux de descendre, sinon Jak va finir par s’impatienter. Et ne m’as-tu pas dit que tu avais une compagne avec toi ?

Alana acquiesça. Elle le suivit le long du couloir en s’amusant à l’embêter à propos de Kheka ce à quoi il répondit qu’il n’avait nullement besoin d’une femme maintenant qu’elle en était devenue une. Alana se retint de lui tirer la langue ce qui aurait sonné comme une victoire aux yeux amusés de Jorin. Elle s’engagea dans les escaliers mais elle s’arrêta bouche bée quand son regard tomba sur la salle commune. Une multitude de personnes la remplissait et la plupart des visages lui étaient familiers pour avoir travaillé avec eux.

- Ta venue a fait le tour de la ville en un rien de temps, annonça la grosse voix de Jak, posté derrière son comptoir. Tu es notre mascotte maintenant !

Plusieurs voix bruyantes s’élevèrent pour signifier leur accord. Alana n’en finissait pas de dévisager chaque personne présente. Elle descendit de quelques marches puis enjamba sans prévenir la barrière de l’escalier malgré sa robe pour sauter de l’autre côté.

- Votre mascotte ? Vous m’investissez d’une bien lourde responsabilité ! répliqua-t-elle avec un sourire ironique qu’elle accompagna d’une révérence exagérée.

Les chopes se levèrent sans attendre sous le sifflement de plusieurs villageois.

- C’est que, tu es presque élégante ainsi, lui chuchota Jak d’un air conspirateur comme il se penchait vers elle, fier d’être à ses côtés.

- Et bien, il faut croire que vous êtes tous devenus fous, se résigna Alana.

Et son visage se détendit tandis qu’elle ne pouvait s’empêcher de rire. Elle était heureuse d’être ainsi entourée, loin de l’isolement qu’elle avait ressenti au château. Elle était ici chez elle. Elle avait sa place, elle était quelqu’un. Mais qui serait-elle chez les elfes ? Qui lui accorderait sa confiance ?

Alana secoua la tête, bien résolue à ne pas laisser ses pensées gâcher le déjeuner qui s’annonçait. Elle rejoint Kheka en compagnie de Jorin, se glissant entre les hommes et les femmes venus l’encourager. Elle surprit le regard appuyé de Jorin quand il aperçut la jeune servante ce qui la fit sourit et elle se mordit la lèvre pour ne pas le taquiner en public. Les bavardages allèrent bon train tandis que les plats circulaient dans la bonne humeur. Tout était plus simple ici, tout le monde était heureux de partager un bon repas et chacun voulait savoir si ce qu’on racontait sur la cour et le roi était vrai. Alana s’efforçait de satisfaire leur curiosité mais l’image d’une pierre verte venait sans cesse se rappeler à elle. Quand le dessert arriva, trois énormes tartes au sucre partagées entre tous les villageois présents, Alana  risqua une question qu’elle introduit de manière anodine dans la conversation.

- Si vous deviez vous introduire dans une maison, comment feriez-vous ?

- Tu cherches déjà des moyens de t’approprier les secrets des elfes ? se moqua le charpentier de Syrma.

Sa femme lui lança un regard réprobateur qu’il ignora tout à sa fierté d’avoir tiré quelques gloussements.

- Il n’y a que les voleurs pour s’introduire de partout… Surtout en ce moment !

- Et les filles de joie ! s’exclama un homme en levant sa chope de bière, soulevant de nouveaux rires.

- Les filles de joie, répéta Alana évasivement.

Jorin lui jeta un regard interrogatif tandis qu’une idée folle se dessinait dans son esprit. Elle s’empara de sa main.

- Si je tente quelque chose d’impossible, tu me suis ?

- Si je ne te suis pas, tu iras quand même ?

- Oui.

- Et bien, la question ne se pose pas, je viens avec toi !

Ils se levèrent dans un bel ensemble et s’apprêtèrent à partir quand Kheka les interpella.

- Où que vous alliez, je viens avec vous, leur décréta-t-elle d’une voix ferme.

- Kheka, ça ne sera pas une simple promenade.

- Vous ne me laisserez pas seule ici, avec tout ce… bruit. Et j’ai promis de vous ramener au château.

Alana la contempla un instant avant d’hocher la tête. Après tout, Kheka avait le droit de venir avec eux et elle pourrait peut-être leur être utile. Elle espérait simplement qu’elle ne l’empêcherait pas de mettre en œuvre son plan très... osé. Les trois jeunes gens se dirigèrent vers la sortie et Alana embrassa chaleureusement au passage les villageois qui étaient ses amis. Heureusement, ils n’étaient pas les seuls à sortir de l’auberge - le travail appelait les travailleurs - et ils purent s’éclipser assez discrètement. 

 

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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 21:06

 

        Les deux femmes descendirent par un chemin peu emprunté qui servait autrefois à relier les cuisines du château aux réserves externes de la capitale. Elles débouchèrent ainsi sur la rue et se dirigèrent vers la petite boutique de l’herboriste. Alana guida Kheka avec plaisir dans les dédales sinueux de la ville qu’elle connaissait sur les bout des doigts. Quand elles se présentèrent devant la porte, Alana entra sans marquer d’hésitation.

            - Strefta ? lança-t-elle à haute voix dans la pièce vide.

            Strefta Ristboher était l’herboriste la plus recherchée de Syrma. Jorin l’avait conduite dans cette pièce même pour la faire soigner ce qui avait sonné comme le début de son apprentissage en tant qu’apprentie herboriste. Alana savait qu’après quelques semaines passées ensemble, Strefta avait commencé à nourrir l’espoir qu’elle prendrait sa succession. Mais même si les plantes et la médecine passionnaient Alana qui avait retenu ses leçons avec plus d’application qu’elle n’en avait jamais montré, elle ne s’imaginait pas leur dédier sa vie.

            - Strefta ? répéta-t-elle en haussant la voix.

            Le bruit sec d’un objet percutant le sol se fit entendre suivi d’une série de jurons. Des pas retentirent et se rapprochèrent d’elles jusqu’à ce que rideau protégeant l’entrée de l’arrière-boutique se soulève et laisse apparaître une femme aux cheveux grisonnants. Au premier regard, la vieille femme paraissait usée par le temps mais son visage n’était que très peu ridé et ses yeux brillaient d’attention. 

            - Alana, c’est toi ? Tu n’es pas au château ? Quelque chose ne va pas ? Ils t’ont renvoyé ? Les charognes, je le savais bien que tout ceci n’était que trop beau !

            Kheka étouffa un rire tandis qu’Alana grimaçait aux paroles accusatrices de Strefta.

            - Non, rien de tout ça, je pars demain chez les elfes. Mais je me suis éclipsée du château pour vous dire au revoir !

- C’est irresponsable. Te rends-tu compte de la chance que tu as ? Serais-tu près à y renoncer en montrant un comportement irréfléchi ?

- Mais j’ai emmené Kheka avec moi, se défendit Alana en désignant sa complice qui hocha la tête. Et j’ai promis à Edrik et aux autres gardes d’être de retour avant la nuit.

            Strefta fronça les sourcils mais n’ajouta rien. Elle se dirigea de nouveau vers l’arrière de la boutique sans explication. Alana en profita pour observer les étagères qui s’étaient remplies de nouveaux produits avec l’arrivée du printemps. De nombreuses fioles soigneusement étiquetés reposaient dessus en un ordre apparemment inexistant. Kheka à ses côtés tournait sur elle-même pour observer ces lieux étranges où planait une odeur d’herbes coupées.

            Strefta revint alors, les bras chargés de sachets et de boites en tout genre.

            - J’espérais que tu viendrais nous voir avant ton départ, reconnu-t-elle devant le regard interrogateur d’Alana. Je t’ai préparé des mélanges qui pourraient t’être utiles. J’ai marqué les paquets par les signes habituels. Tu as donc du Doloris Aestus contre les maux de tête et de ventre, du Malum Dubius pour les plaies, du Lacerteo

            Strefta énumérait chaque sachet avant de le déposer dans les mains d’Alana. Il ne lui resta bientôt plus qu’un petit flacon qu’elle tenait précieusement entre ses doigts. Elle jeta un coup d’œil suspect à Kheka avant de se pencher à l’oreille d’Alana.

            - Celui-ci, dit-elle en déposant délicatement le flacon sur le reste des sachets, s’appelle le Nex Necis. C’est un poison très violent. Si tu dilues une goutte seulement de ce liquide dans de l’eau, la personne qui la boira sera aussitôt plongée dans un état de coma où le cœur bat très lentement. Normalement, à cette quantité, ce n’est pas mortel même s’il cela reste dangereux. Mais avise-toi d’en mettre seulement deux gouttes, et c’est la mort assurée. Je ne sais pas ce qui t’attend chez les elfes, si les trames de leur politique sont aussi complexes que certains veulent nous le faire croire, mais mieux vaut être prudent.

            Strefta se redressa, un sourire charmant aux lèvres comme si ses paroles n’avaient été que le badinage anodin d’une vieille femme inquiète du départ de sa fille et qui souhaitait lui adresser des mots privés. Alana conserva pendant quelques instants un visage concentré tandis qu’elle comprenait la portée des paroles de celle qui avait été son maître.

            - Tu as une sacoche à me prêter pour que je puisse trimbaler tout ça ? finit-elle par demander à Strefta en cessant de réfléchir.   

            Elle aurait tout le temps d’imaginer ce que l’avenir lui réservait plus tard.

Les sachets contenant les mélanges d’herbes et de poudres furent ainsi rangés aux côtés du petit flacon dans une pochette en cuir. Kheka profita de ce temps pour questionner Strefta sur une petite fiole aux bords dorés qui trônait sur une des étagères. L’herboriste lui répondit qu’il s’agissait d’un remède pour les maris impuissants. Elle rit de voir le visage de Kheka s’empourprer et bafouiller, gênée de cette réponse. Kheka ne se risqua plus après ça à poser de questions même si ses yeux continuèrent de volter de boites colorées en pots en verre.  

- Sais-tu où je pourrais trouver Jorin ? demanda Alana en installant la sacoche sur une de ses épaules.

- Il travaille à l’auberge cette semaine, il devait aider le patron ; sa femme est malade.

Alana hocha la tête. Elle serra Strefta dans ses bras qui l’étreint longuement.

- Tu vas me manquer ma grande. Prends soin de toi ! Et n’oublie pas, deux gouttes suffisent…

- Je ferais attention, répondit-elle en l’embrassant une dernière fois.

Strefta serra la main de Kheka et les deux jeunes femmes sortirent de la boutique. Elles reprirent leur route et Alana les guida à travers les rues pavées de la capitale. Les passants qui les croisaient affichaient tous un air surpris en la reconnaissant mais la saluait aussitôt avec un grand sourire qu’elle leur rendait encore étonnée du statut qu’elle avait acquis en quelques heures. Elle n’aurait jamais imaginé que l’annonce de son nom pour représenter le peuple put être accueillie avec tant d’enthousiasme. Les gens n’avaient aucune idée des conséquences que pouvaient avoir un tel acte. Ils ne se rendaient pas compte que les alliances liant le peuple des elfes et le leur tenaient grâce à ce genre de procédés. Mais qui était-elle elle-même pour en comprendre la portée ?

Elles arrivèrent enfin devant l’auberge qui était fièrement indiquée par un panneau de bois qui se balançait en grinçant au vent, noté « Au dragon farci ». Le dessin d’un dragon bleu cuisant en broche au-dessus d’un feu y était représenté. Alana s’approcha et poussa le battant qu’elle tint à Kheka qui mit quelques instants à comprendre qu’elle devait entrer avant sa « Dame ». Elle s’empressa d’entrée et Alana ferma la porte derrière elles. L’aubergiste, un gros homme au tablier blanc, leva la tête surpris d’avoir des clients à cette heure-ci de la matinée. Il était entrain d’essuyer consciencieusement des verres qu’il posait devant lui.

- Alana ! s’exclama-t-il en posant sa serviette et en se dirigeant vers elle à grands pas. Que fais-tu ici ?

Alana fronça les sourcils, affichant une expression moqueuse.

- Ne suis-je pas encore libre de rendre visite à de vieux amis ?

Le visage de l’aubergiste s’étira d’un grand sourire et il décocha une grande tape dans le dos à Alana.

- Bien sûr que oui, ne crois pas qu’il te suffise d’un aller-retour au château pour que tu ne sois plus pour moi une chipie ! Mais qui est cette jolie demoiselle derrière toi ?

- C’est Kheka, une amie. Elle sert Zavi Eridan, la noble la plus sympathique que j’ai rencontré. C’est en partie grâce à elle que j’ai pu descendre vous voir. Et aussi grâce à Edrik. Comme quoi, traîner dans ton auberge m’aura été utile !

- Tu as surtout appris à nettoyer les tables et à obéir aux ordres tu veux dire ! J’ai tellement de question à te poser sur le château, sur ce qu’on sert à la table du roi, ce qu’on y dit… Mais je manque à tous mes devoirs, s’interrompit-il en se tournant vers Kheka. Je m’appelle quand à moi Jakron Pertuny, mais appelle moi Jak. Nous a-t-elle bien représenté à la cour ?

Kheka rougit d’embarras. Elle n’avait pas l’habitude d’être en compagnie des gens de la ville ni que son opinion puisse compter. Presque tous les serviteurs du château étaient logés dans une aile qui leur était réservé. Des familles entières vivaient là-bas, servant les nobles de père en fils et de mère en filles. Murzim faisait office d’exception dans la tradition des domestiques mais ce n’était pas le cas de Kheka. Les manières directes et les paroles sans détours de l’aubergiste la mettaient mal à l’aise.

- Elle… Elle s’en est très bien tirée, murmura-t-elle en esquissant un sourire hésitant.

- J’en étais sûr ! s’exclama Jak d’un ton bruyant en posant son énorme main sur l’épaule d’Alana. Cette jeune fille serait capable de se sortir de toutes les situations. Sauf celle d’échapper à la vaisselle sous mes commandements bien entendu ! Mais venez-vous asseoir, je vais vous apporter à boire. Venez, ma p’tite dame, dit-il à l’adresse de Kheka qui hésitait à bouger, vous serez mieux là-bas. Ce ne sont peut-être que des chaises de bois, loin du confort du palais, mais on y est bien assis.

Alana n’attendit pas une seconde invitation pour contourner une table et s’installer près d’une petite fenêtre qui donnait sur une petite cours, à l’intérieur même de l’auberge. Kheka ne tarda pas à la rejoindre et s’assit aux côtés d’Alana. Jak leur sourit et se détourna pour rejoindre une lourde porte en bois qui menait aux cuisines.

 

 

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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 21:05

 

« Chacun de nous a une âme de brave petite, mais le reconnaître demande beaucoup de courage car tu devras ensuite agir en conséquence. »

 

 

            Alana ouvrit les paupières, désorientée. Le matelas sous elle était si moelleux qu’elle se sentait dans un cocon. Jamais elle n’avait dormi d’un sommeil aussi profond. Le banquet donné en son honneur s’était terminé tard et elle s’était endormie dès que sa tête avait touché l’oreiller.

            Alana contempla la chambre qu’elle occupait, presque surprise que tout ceci ne fut pas  un rêve. Elle se redressa lentement sur ses coudes et tourna la tête vers la grande fenêtre qui laissait pénétrer la lumière du soleil. Elle ouvrit de grands yeux lorsqu’elle comprit que la matinée avait débuté depuis deux bonnes heures. Elle qui était habituée à se lever à l’aurore ressentit une once de culpabilité d’être encore dans son lit. Elle rabattit ses couvertures à regret et sentit l’air froid lui piquer la peau.

            La porte de sa chambre s’ouvrit doucement dans un léger grincement. Alana retint son souffle, les pieds nus déjà posés sur le dallage de pierre glacé. La tête de Kheka se profila soudain derrière le bâtant qu’elle retenait d’une épaule. Elle pénétra ainsi sans un bruit dans la chambre, un plateau rempli de victuailles dans les bras.

            - Tu veux de l’aide ? demanda Alana soulagée de reconnaître l’intruse.

            Kheka faillit laisser choir ce qu’elle tenait dans ses mains tant son sursaut l’ébranla de haut en bas.

            - Ma… Ma Dame. Vous êtes déjà levée ? répondit-elle en bredouillant.

            - Déjà ? Le soleil doit être à la moitié de sa course. Mais toi, n’es-tu pas sensée être aux côtés de Zavi ?

            - Ma maîtresse s’est dit que ma compagnie vous serait réconfortante.

            - C’est vraiment gentil de sa part ! Tu la remercieras pour moi quand tu la verras. Mais ça ne te dérange pas ?

            - Pas du tout ma Dame. Je vous ai apporté le petit-déjeuner, vous voulez le prendre maintenant ?

            Alana fixa le plateau et un sourire ironique étira ses lèvres. On lui proposait un petit-déjeuner au lit comme si elle était une princesse. Jorin serait là, il se moquerait d’elle, de sa grasse matinée et de la robe de nuit en soie bleue qu’elle portait. Ce n’était pas elle, ce n’était pas sa place. Alana était convaincue que d’un moment à  l’autre, le roi allait la convoquer pour lui annoncer qu’il y avait eu une erreur. Alors autant profiter de l’instant présent.

            Elle se dirigea donc vers la table de chevet où Kheka déposa soigneusement son chargement. Alana s’empara d’un manteau en laine d’une douceur infinie posée sur le dossier de la chaise avant de s’assoir. Elle savoura les aliments qui lui faisaient face tout en questionnant Kheka sur le château, les rumeurs qui couraient sur les nobles et celles qui provenaient du peuple.  

            - Dis-moi, quand suis-je sensée partir ? demanda-t-elle brusquement.

            - Demain, ma Dame. Le roi a avancé votre départ d’une semaine.

            Alana laissa s’échapper un rire moqueur de sa gorge.

- Il veut se débarrasser de moi bien rapidement. Je dois troubler la tranquillité de sa noblesse. Et c’est d’une si grande délicatesse de ne pas juger bon de me prévenir.

            - Ne dîtes pas ça ! s’écria aussitôt Kheka. Si vous posiez la question, nous n’avions pas ordre de nous taire.

Alana la regarda, les sourcils relevés. C’était encore heureux qu’elle puisse se tenir au courant du sort qui lui était réservé. Elle ne trouvait toujours pas d’explication à sa nomination comme ambassadrice chez les elfes. Le roi aurait du triché comme toutes les années ; elle était convaincue qu’il le faisait ! Les temps qui courraient semblaient même indiquer qu’une menace pour le royaume de Fedroc couvait à l’extérieur des frontières. Ce n’était pas en envoyant une personne comme elle que le roi pourrait s’assurer du soutien des elfes. Tout cela était illogique ! La seule chose qu’elle pouvait comprendre dans cette situation insensée, c’était le désir du roi d’éloigner de son royaume ce qui n’aurait jamais du être.

- Je ferais la même chose dans sa situation. Peut-être avec un peu plus d’élégance toutefois. Par contre…

            Alana laissa sa voix s’éteindre. Son esprit réfléchissait à grande vitesse.

            - Je dois absolument voir Jorin et tous les autres avant de partir ! Je dois y aller aujourd’hui.

            - Mais vous n’avez pas le droit de sortir du château, risqua Kheka d’une petite voix.

            - Comment ça ?

            - Le roi a demandé à ce qu’une personne soit toujours à vos côtés pour vous surveiller. Pour que vous ne vous enfuissiez pas loin d’ici.

            - Alors toi…

            - Je dois garder un œil sur vous tout en répondant à vos ordres.

            - Et bien, tu n’as qu’à venir avec moi ! répliqua Alana nullement décontenancée. 

            - Ce serait mal, ma Dame, je ne peux pas faire ça.

            - Ecoute, ce sont mes amis là dehors que je vais quitter pour au moins un an. Je ne vais pas partir sans leur dire au revoir. Où tu m’accompagnes, où je me débrouille sans toi. Mais j’irais, tu peux en être sûre.

            Kheka prit le temps de réfléchir, son visage dessinant une moue inquiète. Elle poussa un unique soupir avant d’acquiescer.

            - Je vous accompagnerais si vous parvenez à sortir du château. Mais j’en doute.

            Un sourire satisfait s’afficha sur le visage d’Alana qui se tourna vers l’armoire au faucon.

            - Et bien, il n’y a pas une minute à perdre !

 

            Quelques minutes plus tard, Alana sortit de la pièce vêtue d’une robe modeste de bonne qualité qu’elle avait réussi à trouver au fond d’un tiroir. Kheka sortit à sa suite et la guida comme elle le lui avait demandé à travers les couloirs serpentant du château. Elles ne croisèrent que des serviteurs en livrée bleu qui se pressaient d’un pas vif avant le réveil de leur maître. Elles ne rencontrèrent aucune difficulté à sortir du bâtiment et traversèrent sans encombre les champs d’entrainement où seuls trois gardes enchainaient des mouvements d’échauffement. Elles arrivèrent ainsi jusqu’au portail qui permettait de réguler les entrées et les sorties dans l’enceinte du château. Des gardes encadraient la porte, une lance dans les mains.

            - Halte là ! ordonna un homme à la carrure de taureau. Qui êtes-vous ?

            - Alana Sakmir et ma… euh servante Kheka.

            Un large sourire fendit sans prévenir le visage barbu du garde qui perdit son air menaçant.

            - Edrik ! Ta petite protégée est là ! Et les gars, notre représente descend nous voir !

            Des éclats de rire et le claquement de bottes sur le sol se firent entendre dans l’abri implanté contre le rempart qui servait de petite caserne. Edrik sortit dehors accompagné de trois de ses compagnons, tous des hommes d’âge mûr dont les traits étaient marqués par l’expérience des combats.

            - Alana ! s’exclama-t-il le visage bon-enfant avant de la serrer dans ses bras. Je te présente Letro, Jakne et Trinaut. Et celui qui a du te faire peur à ton arrivée, c’est Regan. Le baraquement était en folie hier pour fêter ta sélection ! J’ai d’ailleurs une de ces gueules de bois…

            Edrik se frotta les tempes avec une grimace sans cesser de sourire.

            - Je suis sûre que votre soirée était beaucoup plus amusante que celle que j’ai passée.

            - Oh, mais il ne faut pas dire ça ! Le banquet royal n’était pas assez luxueux pour tes goûts de princesse ? répliqua Edrik en la taquinant.

            - Il faut croire que je bois mieux que je ne danse, répliqua Alana.

            Les cinq hommes éclatèrent de rire tandis que Kheka se retenait, gênée.

            - Alors, qu’est-ce qui t’amène ici ?

            - Je dois voir Jorin, Strefta et tous les autres. Je pars demain.

            Le barbu-taureau du nom de Regan s’interposa de nouveau.

            - Ordre du roi, nous ne devons pas te laisser sortir de l’enceinte.

            - Je ne vais pas m’enfuir, et j’emmène Kheka avec moi. C’est suffisant non ?

            - Les ordres sont les ordres, ma p’tite dame. Nous ne pouvons pas désobéir.

            Alana se tourna vers Edrik et lui fit des yeux suppliants.

            - Je ne peux pas partir sans leur dire au revoir !

            Les cinq hommes restèrent de marbre même si Edrik eut un léger froncement de sourcil.

            - Et s’il m’arrivait quelque chose ? insista Alana. Pendant le voyage par exemple. Et s’ils croyaient que je les abandonnais, que sitôt introduite dans la cour je les oubliais ? Je ne peux pas les laisser croire ça.

            Les visages ne changèrent pas malgré un certain malaise qui planait autour d’eux.

            - S’il vous plait, finit par dire Alana, le visage implorant.

            Edrik céda le premier et se tourna vers ses compagnons.

            - Bah, ce n’est qu’une petite sortie et ce n’est pas comme si elle partait seule. 

            Les autres gardes finirent lentement par hocher la tête en signe d’acquiescement. Regan la fixa d’un regard sévère et ajouta :

            - Tu as intérêt d’être de retour avant la nuit tombée.

            - Promis ! Vous êtes des anges !

            Et Alana embrassa sur la joue chacun des cinq hommes sous le regard stupéfait de Kheka. Elle se tourna vers sa compagne qui restait sans bouger.

            - On y va ?

 

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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 21:04

 

Alana se retourna brusquement et découvrit Dhalim devant elle, d’une beauté sans égale. La cuillère encore dans la main, elle déclara :

- Je crains ne pas savoir assez bien danser.

- Je vous guiderai.

- Ca pourrait ne pas suffire…

- Mettez-vous en doute mes talents de meneur ? demanda-t-il un sourire en coin.

- Je n’oserai pas, répliqua Alana un brin de sarcasme dans la voix. Et bien je vous suis monseigneur, pour le meilleur comme pour le pire.

- Je prends le risque.

Dhalim lui tendit la main en étouffant un rire. Elle se dégagea seule de sa chaise avant d’accepter la main tendue. Alors qu’ils s’apprêtaient à se diriger vers la piste de danse, Alana sentit quelqu’un étreindre son épaule.

- Mademoiselle, veuillez accepter mes excuses pour le dérangement, mais acceptez-vous cette danse ? demanda un jeune homme au visage fin dont les manches se terminaient par une douce dentelle blanche.

- Je suis désolée, je viens d’accepter celle de monseigneur Fedka. Ce serait impoli de ma part de me retirer maintenant, répondit-elle en inclinant la tête en signe de remerciement. Mais la prochaine danse sera à vous, si bien sûr vous le souhaitez encore. Ce serait un grand honneur.

Les deux hommes la regardèrent bouche bée. Alana venait de refuser sa première danse à un des seigneurs les plus puissants du royaume sans même s’en rendre compte.

- Ce… Ce serait avec plaisir, bafouilla ce dernier.

Alana esquiva une révérence avant de se détourner, la main posée sur le bras de Dhalim qui la suivit, décontenancé. Ils se dirigèrent en silence vers le centre de la salle qui avait été dégagé pour que les nobles dansent sous la lumière des lustres en diamants. Les musiciens entamèrent une nouvelle mélodie, plus entrainante que la précédente sur laquelle débuta une valse tourbillonnante.

Alana crispa sa main sur l’épaule de Dhalim et ses premiers pas furent hésitants. Elle sentit pourtant sa tension se relâcher petit à petit tandis que la musique l’emportait. Elle connaissait les rudiments de la valse grâce aux cours de Jorin qu’elle remercia intérieurement pour la énième fois de la soirée. Elle ferma les yeux et se laissa mener par Dhalim grâce à la pression qu’il exerçait sur sa taille et sa main qui tenait fermement la sienne.

La musique ralentit doucement jusqu’à s’arrêter dans une dernière note grave. Alana ouvrit les yeux et sourit à Dhalim qui la fixait d’un drôle de regard.

- Je n’ai pas été catastrophique ? demanda-t-elle.

- Vous étiez parfaite, lui répondit-il en relâchant sa main. Les pas n’étaient pas des plus réglementaires mais vous avez une grâce qu’il manque à beaucoup de mes consœurs.

            Dhalim lui désigna d’un geste de la tête une grosse dame à la robe rose criarde beaucoup trop serrée et Alana rit discrètement.  

            - C’était dans mes cordes de faire mieux.

            - Je n’en reviens toujours pas d’avoir dansé avec vous alors que Trevis en personne vous avait demandé de le faire !

            - Je devrais être impressionnée par cette invitation ?

            - En effet. Vous voir ainsi habillée et vous adapter si facilement à la cour me fait oublier d’où vous venez. Trevis est le fils aîné du seigneur Kiviuq en personne qui régit l’Aegir. C’est la…

            - … la plus grande région qui possède même une frontière avec Syrma. J’ai étudié la géographie, compléta-t-elle avec satisfaction.  

            - Vous êtes pleine de surprises. Et où l’avez-vous apprise ?

            - C’est un ami qui me l’a enseignée. Il a beaucoup insisté pour me donner des cours. Je sais donc lire une carte.  

            - Je ne pensais pas qu’il fallait connaître ce genre de chose pour vivre dans la rue.

            - Moquez-vous, répliqua-t-elle en haussant les sourcils d’une façon espiègle, je n’y croyais pas non plus. Mais je suis bien heureuse aujourd’hui que Jorin ait insisté pour m’apprendre toutes ces choses inutiles de la bonne société. Cependant, je n’ai jamais entendu parler de votre maison.

            - La maison des Pyrocornes est pourtant l’une des plus anciennes du pays. Elle régissait la frontière entre le royaume des hommes, Fedroc, et les montagnes du Néant où les créatures de l’Errance sont rassemblées, et cela bien avant qu’Ivac III ne soit roi.

            - Je croyais que les montagnes du Néant étaient vides ?

            - C’est ce que tout le monde pense mais ce n’a pas été toujours le cas. Avant la Grande guerre, c’était une région très dangereuse et beaucoup d’hommes étaient envoyés là-bas pour défendre la frontière.

            - Mais la Grande guerre s’est déroulée il y a plus de 200 ans ! Et tout le monde sait que les créatures de l’Errance sont des inventions pour faire peur aux enfants.

            - Je n’en suis pas si sûr, déclara Dhalim les lèvres pincées. J’ai vécu toute mon enfance dans le château des Pyrocornes et les phénomènes inexplicables ne sont pas inhabituels.

            Alana lui adressa un regard surpris tandis que leurs pas les reconduisaient lentement à la table encore couverte de desserts et de vaisselle étincelante.

            - Une légende raconte, continua-t-il, que la frontière n’a tenue que grâce à la puissance de quatre pierres vertes, vestiges d’un passé complètement oublié. Quand j’étais petit, j’ai parcouru tout le domaine pour trouver l’emplacement de ces pierres. J’y ai passé des heures affolantes, je rêvais de les découvrir oubliées dans leur cachette.

            - Vous étiez jeune, tout le monde aurait fait pareil. Mais vous n’avez rien trouvé, c’est bien la preuve que tous les récits de la Grande guerre ont été amplifiés par les conteurs.

            - Au contraire, protesta Dhalim avec le sourire d’un enfant qui n’a pas encore dévoilé la partie intéressante de son histoire. C’est quand j’ai abandonné mes recherches que j’ai trouvé la solution. Au centre de la table de granit qui occupe tout le rez-de-chaussée de ma maison, se trouve un cheval finement gravé et quatre encoches l’entourent. Ce sont quatre petits trous, de ceux qu’on ne remarque même pas, même si on les a sous le nez depuis des années. L’erreur que j’ai faite était celle d’être convaincu de trouver des grosses pierres, d’une beauté sans égale. Je cherchais des émeraudes d’un vert éclatant et d’une perfection absolue dont la taille défiait l’imagination alors que les véritables pierres me tiendraient aisément dans la main. 

            - Vous êtes convaincu de leur existence ? demanda Alana d’une voix méfiante et interloquée à la fois.

            - Oui, et c’est d’ailleurs la raison de ma présence ici. Des troubles se font sentir dans l’arrière du pays, à notre frontière. Des villages voient leur guérisseur se volatiliser, des récoltes entières disparaître des granges… Je crois que quelque chose se prépare.

            - Même si ce que vous dîtes est vrai, ce ne sont pas quatre malheureuses pierres qui vous aideront ! s’exclama Alana.

            Ses pensées étaient ébranlées. C’était la première personne qui évoquait les troubles que le roi avait obscurément mentionné à la cérémonie et qui avaient inquiété Alana. Et si quelque chose rodait vraiment à la limite de Fedroc ? Que faisait-elle là ? Pourquoi envoyer une personne comme elle chez les elfes quand une menace extérieure inconnue se faisait sentir ? Tout cela était ridicule. Absolument et catégoriquement ridicule.

            - Une autre légende fait référence à une bague sertie d’une énorme gemme d’un vert rappelant les prairies au printemps. Elle aurait été mise au doigt d’une jeune femme dans Aléria même. Ici ! Elle leur aurait apporté la chance et la réussite dans tous les domaines. J’espère trouver des indices pendant que je suis compagnon du prince.

            - Vous êtes fou, énonça catégoriquement Alana avec une moue moqueuse. Mais aujourd’hui, il s’est réalisé tant de folies que je n’en suis pas à une près. Si je peux vous être utile dans votre quête insensée, je le ferais. 

            Dhalim lui adressa un sourire et s’apprêtait à lui répondre quand Trevis s’approcha d’eux.

            - Une nouvelle danse va commencer ma Dame, dit-il poliment, et vous me l’avez promise.

            Alana s’aperçut avec surprise du temps qu’ils avaient mis pour rejoindre à pas lents la grande table. Elle se détacha de son compagnon et posa une main légère sur le bras tendu de Trevis.

            - C’est avec plaisir que je vous suis, répondit-elle en souriant.

            Elle adressa un dernier signe de tête à Dhalim en signe d’excuse pour ne pas pouvoir poursuivre leur conversation. Elle se dirigea ensuite vers la piste de danse où elle mit toute son attention à ne pas se prendre les pieds dans sa robe et ne pas déshonorer son cavalier.

            Alana passa le reste de la soirée à voltiger entre différents bras, sans distinction de rang. Elle échangea quelques mots avec des nobles curieux qui venaient la rencontrer, tandis qu’elle devait supporter le regard dédaigneux et réprobateur de la majorité d’entre eux. Elle était tendue dans cet univers qui lui était totalement étranger mais elle faisait bonne figure et riait avec une légèreté feinte aux paroles anodines de ceux de la cour. 

 

 

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  • : Roman fantasy : Filandreux destin
  • : Vous voici entré dans un nouveau monde que vous découvrirez au fil de ma plume. Jeune écrivaine de 18 ans, j'ai le plaisir de vous présenter "Filandreux destin" mon nouveau roman. Bonne lecture !
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