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2 juillet 2010 5 02 /07 /juillet /2010 15:56

 

— Il y a 200 ans, s’est déroulé la Grande Guerre. Elle n’a duré que cinq courtes années mais elle a été d’une rare violence. Avant elle, on retrouve dans les archives d’autres guerres qui ont marqué notre histoire. Chacune d’entre elles est séparée par une période d’environ 200 ans. Ces dates sont tachées de sang et peu de personnes aiment les étudier. Pourtant leur répétition a été notée depuis longtemps. La Grande Guerre avait été prédite et nos armées préparées pour y faire face. Toutefois, la victoire a été dure et peu aurait fallu pour que nous perdions nos terres. Les morts ont été dénombrés par dizaines de milliers et certaines régions ont mis des années à surmonter la morsure des flammes qui les avaient assiégées.

Alana écoutait sérieusement, surprise que le roi lui relate un tel sujet. Elle ne voyait pas bien ce que le passé pouvait apprendre au présent ; ce que la guerre venait influer sur son propre chemin. Elle se montrait néanmoins attentive et gravait dans son esprit les informations.

— Nous avons fêté il y a six ans, continuait Ivac III, le 200ème anniversaire de la fin de la guerre, et aucun trouble ne nous menaçait. Nous en avons donc conclu que seul le hasard avait espacé d’une manière régulière les périodes de troubles qui ont secoué notre monde. Mais depuis quelques temps, des murmures s’élèvent de nos frontières. On rapporte des disparitions, les cultures sont asséchées et les récoltes pourrissent sur place. Certains villageois racontent qu’ils ont vu des créatures de l’Errance.

— Les gens sont facilement crédules, ne put s’empêcher de railler Alana à l’idée que des adultes puissent encore croire à ce genre d’histoires.

— Détrompez-vous, jeune fille, il y a bien plus de sagesse et de vérité dans les contes que vous ne l’imaginez.

Il poursuivit sans éclaircir ses propos. Alana, perplexe et peu convaincue, se retint de lui demander ce qu’il voulait dire.

— Ces menaces ne sont pas encore importantes mais nous craignons qu’elles ne s’amplifient et qu’elles sonnent l’arrivée d’une nouvelle aire de violence. De nombreux clans oubliés vivent au-delà de notre royaume et leur rassemblement serait épouvantable. Autant vous le dire ainsi, nous ne sommes pas encore prêt à affronter une armée extérieure. Nous avons absolument besoin du soutien des elfes si un nouveau fléau venait secouer nos terres.

Ivac III fit une pause mais Alana garda le silence.

— Envoyer Thyone Dhyle avec vous est une nécessité. Le royaume des Elfes est le plus beau au monde mais tout y est réglementé. Allumez un feu en forêt sans une intense surveillance et vous serez banni. Il sera traiter avec eux au contraire de vous. Les elfes vivent plus longtemps que nous et ils se sentent par cela plus sages. Et ils le sont. Mais vous verrez que la vision idéalisée de ce peuple n’est pas la pure vérité. Sachez qu’il y a pire qu’une bagarre dans une taverne. Les deux coupables règlent leur affaire et oublient. Il y a pire qu’une dispute entre un mari et sa femme à propos d’une maitresse. Les deux se crient dessus, font beaucoup de bruit, puis se mettent d’accord et oublient. Il y a pire que la violence en face, il y a la violence derrière. Celle qu’on ne voit pas, qu’on soupçonne à peine, qui nourrit les cœurs encore et encore de ne pas pouvoir être assouvie pleinement. Celle-ci, on ne l’oublie pas. Elle grandit au cours du temps. C’est elle que vous aurez à craindre là-bas. Bien sûr, vous ne comprendrez pas tout de suite mes paroles car les elfes sont le peuple le plus délicieux qui m’est eu permis de connaître et aucun acte violent ne sera jamais commis devant vous. Mais le savoir ne peut pas faire de mal.

 

— Votre fils m’en avait fait la remarque, prononça Alana avec une étrange expression.

Le roi haussa un sourcil, surpris.

— Ne croyez pas que je remette votre parole en cause, continua-t-elle, mais tout cela est assez… dur à assimiler. Vous m’annoncez qu’une guerre risque d’éclater alors que tout est calme dehors. Vous suggérez que les créatures de l’Errance existent et qu’elles veulent peut-être récupérer nos terres. Vous me dîtes ensuite que les Elfes, qu’on m’a toujours décrits comme les êtres les plus merveilleux au monde, ne valent pas mieux que nous.

— Je comprends.

— Pourquoi avez-vous laissé le hasard me choisir ? Ne le regrettez-vous pas, majesté ? finit-elle par demander.

Ivac III prit son temps pour répondre. La pièce silencieuse paraissait soudain oppressante et l’air qu’Alana respirait embrasait ses poumons à chaque inspiration.

— Oui, je regrette d’envoyer une jeune fille si peu expérimentée, assurer un voyage qui pourrait être déterminant.

Alana eut l’impression de recevoir un coup de poing dans la poitrine. Elle savait depuis le départ qu’elle était un imposteur mais l’entendre, conférait un aspect définitif à cette vérité. Elle se promit, avec une pointe d’orgueil, de parvenir à tous les surprendre.

— Pourquoi l’avez-vous fait ? demanda-t-elle encore.

— À moment exceptionnel, décision exceptionnelle, prononça-t-il, évasif.

Ivac III se leva sans plus d’explication pour s’emparer d’un document qui devait être posé sur un bureau, caché derrière le trône. Il s’approcha d’Alana et le lui tendit. Elle s’en empara.

— Vous devrez remettre ceci à la reine des Elfes. J’avais prévu de le confier à Thyone comme la majorité des affaires à traiter mais puisque vous faites partie du voyage par ma faute, autant que vous ayez un rôle à tenir.

Alana hocha la tête. Elle était curieusement fière qu’on lui confie cette mission. Elle jeta un nouveau coup d’œil à la feuille soigneusement pliée qu’elle tenait dans sa main. Elle était fermée par le seau royal. Elle releva la tête, le regard décidé.

— Vous pouvez vous retirer, déclara soudain le roi en s’asseyant sur son trône.

Cela lui fit l’effet d’un seau d’eau froide qu’on lui aurait déversé sur la tête.

— Que dois-je emporter avec moi ? fit-elle pourtant d’une voix inchangée.

Ivac III dû repenser à la première vision qu’il avait eu d’elle sur l’estrade de Syrma car une grimace étira ses lèvres.

— Tout a été prévu, vous n’avez besoin de rien. Vous pouvez retourner dans vos appartements. Soyez simplement à l’heure du départ demain matin, je déteste les retards.

Et le roi la congédia, sans plus s’attarder sur elle. 

 

[Cette suite a été modifiée en grande partie pour des raisons de remodèlement. Pour ceux qui l'avaient déjà lu, je vous invite à la relire dès maintenant car la nouvelle version introduit un nouveau élément et elle colle mieux au caractère d'Alana. Merci !  ]

 

Midnight Rain by JerryCai

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30 juin 2010 3 30 /06 /juin /2010 12:22

Alana retrouva dans le couloir Kheka, plus anxieuse que jamais. Elle courut vers elle dès qu’elle l’aperçut et la pressa de lui dire leur verdict. Sa voix était si pressante qu’Alana en oublia un instant qu’en acceptant d’être un coffre-fort, elle avait fait vœux de silence. Elle lui sourit et éluda la question.

— Je dois immédiatement voir le roi, tu peux me conduire jusqu’à lui ?

— Oui, oui ! s’empressa de répondre Kheka qui ne souhaitait qu’apprendre ce qui s’était dit dans l’appartement du seigneur Fekda.

Elle l’entraina à sa suite dans les couloirs et les deux jeunes femmes se mirent à marcher d’un pas vif dans les allées de pierres du château. Alana failli révéler la vérité à Kheka alors qu’elle commençait à lui raconter l’entretien ; elle était tellement heureuse d’avoir eu raison de les embarquer avec elle dans cette folie ! Elle dut se mordre la lèvre avec violence pour retenir les mots qui se formaient d’eux-mêmes dans sa bouche. Elle hésita pendant une fraction de secondes qui lui parut une éternité ; mais la prudence s’imposa. C’était sa nature d’être distante et secrète.

Elle annonça à Kheka qu’ils s’étaient trompés. Ils avaient échoué. Ils avaient risqué tout ça pour rien. Chaque syllabe qu’elle prononçait lui broyait le cœur. Elle s’écœurait. Kheka avait autant le droit qu’elle de savoir que cette pierre - la pierre qui reposait en ce moment-même sous sa robe à l’abri des regards - cette pierre était bien la bonne. Elle vit le visage de Kheka se décomposer et s’embrunir. Kheka murmura un bref « Je le savais bien » avant de se taire. Le reste du trajet se déroula en silence. Alana dut lutter pour ne pas retenir Kheka par l’épaule et tout lui avouer. Elle aurait voulu gommer l’expression désenchantée qui se peignait sur le visage de son amie. Elle aurait du pouvoir lui faire confiance ! Pourquoi n’y parvenait-elle pas ? Kheka avait pourtant prouvé qu’elle la respectait et qu’elle était prête à l’aider dans toutes les circonstances. Ne pas pouvoir lui rendre la pareille rendait Alana malade. Elle serra les dents. Quel cadeau empoisonné lui avait fait le prince !

 

— Nous sommes arrivées.

— Merci Kheka.

— Il vous suffit d’entrer dans cette petite pièce, décliner votre identité et attendre que le roi soit disponible pour vous recevoir.

— Merci Kheka, pour tout. Vraiment.

La jeune femme lui dédia une courte révérence et s’engouffra de nouveau dans le couloir par lequel elles étaient arrivées. Alana expira lentement. Après Jorin, voilà qu’elle perdait la seule personne à laquelle elle pouvait compter au château. Pourtant, plus les éléments semblaient s’opposer à elle et plus sa détermination se renforçait. Elle leur montrerait à tous qu’elle était capable d’assumer sa charge et de profiter de la chance qui lui avait été offerte.

Alana poussa la porte qui menait à l’antichambre de la petite salle de réception. Cinq personnes s’y trouvaient déjà. Ils la suivirent des yeux tandis qu’elle se dirigeait vers le page qui gardait une autre porte, plus décorée.

— Alana Sakmir, déclina-t-elle en arrivant à sa hauteur. Le roi m’a fait demander.

Elle nota les coups d’œil d’un couple assis à sa droite et ceux d’une vieille dame aux énormes bijoux quand ils entendirent son nom. Le regard dédaigneux d’un jeune homme, très droit, se posa sur elle tandis qu’une femme d’une trentaine d’année, lui adressait un petit sourire. Alana se concentra sur cette dernière marque d’intérêt à son égard. Qu’importe l’opinion que les gens avaient d’elle, il y en aurait toujours pour la soutenir.

Les battements de son cœur pressés ne paraissaient pas en accord avec cette fausse sérénité.

— Vous pouvez entrer mademoiselle, lui indiqua le page avec une pointe de reproche, sûrement due à son retard.

— Mais… Ces gens étaient avant moi ! s’exclama-t-elle à voix basse.

La toux consternée du jeune homme prétentieux résonna derrière elle. Elle lui jeta un regard noir. L’expression du page ne changea pas.

— Notre roi vous attend et je dois vous introduire dès votre arrivée. Vous pouvez entrer, répéta-t-il simplement.

Alana acquiesça sans plus protester. Il lui tint la porte et elle s’engouffra à l’intérieur. Elle fit quelques pas avant de repérer le roi. Assis sur un trône beaucoup plus modeste qu’elle ne s’y était attendue, il la regardait approcher.

— Nous reprendrons cette conversation demain, déclara-t-il à l’homme qui lui faisait face.

Celui-ci opina d’un signe de tête et se retira sans plus attendre. Il dépassa Alana sans lui prêter attention. Son visage était impassible et sa carrure impressionnante. Elle se sentit toute petite à ses côtés. Elle n’aurait pas aimé se trouver en face de lui lors d’un combat. La porte se referma dans un claquement sec et elle reporta son attention devant elle. La pièce était dépourvue de décoration mise à part un tapis bleu nuit qui menait jusqu’à Ivac III. Sobre, l’ambiance était sévère et imposait le respect. On n’entrait pas ici pour déranger le roi, seules les questions importantes y avaient une place. Alana s’inclina cérémonieusement.

— Je suis là, déclara-t-elle simplement en se redressant.

Le roi la contempla sans répondre et Alana changea de pieds, mal à l’aise. Elle attendit qu’il prenne la parole sans ajouter un mot. Peut-être était-il entrain de réfléchir au moyen de se débarrasser d’elle une fois pour toute ? Il n’avait lancé aucune recherche pour savoir où elle était, son sort ne semblait pas beaucoup l’intéresser.

— Nous avons beaucoup de choses à nous dire, finit-il par articuler. Vous a-t-on dit que vous partez demain ?

— Oui.

— C’est bien. Vous vous en irez en cortège le plus tôt possible. Vous ne devez pas trainer par ici, ce serait une perte de temps.

— Craignez-vous qu’on conteste ma place dans ce voyage ? demanda-t-elle.

— Je ne veux pas prendre de risque et votre nomination n’a pas été accueillie avec un grand enthousiasme au château. Des objections ?

— Aucune.

Ivac III hocha la tête, satisfait.

— La cour des Elfes est un lieu où le cérémonial prend énormément de place. Vous devrez faire tout votre possible pour apprendre le maximum sur les manières à adopter là-bas. Je ne compte pas que vous soyez prête, cela demande des années, mais vous devrez être… acceptable. J’imagine que vous ne savez pas lire ?

— Si, on m’a appris, répondit-elle simplement.

Le roi leva un sourcil mais l’expression de son visage indiquait qu’il en était agréablement surpris.

— Vous lirez donc quelques ouvrages sur le sujet pendant le trajet. Une compagne vous sera également assignée pour vous aider dans vos apprentissages. Mais vous n’avez pas à vous en faire, vous serez accompagnée de Thyone Dhyle. Il s’occupera de traiter avec les elfes et de régler tous les problèmes qui pourront se poser. Vous pourrez ainsi profiter pleinement du voyage.

— Je suis la partie officielle, il est la partie officieuse, déclara-t-elle avec une pointe de témérité. Ne croyez pas que je suis assez stupide pour ne pas comprendre. Vous n’avez pas désigné un noble de votre choix comme chaque année. Pour une raison que j’ignore, vous avez tiré mon nom. Or, je ne suis pas prête pour assurer notre représentation chez les elfes. Mais j’irais car personne ne pourra m’empêcher de vivre une telle expérience. On a qu’une vie, autant en profiter.

Alana reprit son souffle. Ivac III la dévisageait. Le pli de sa bouche indiquait qu’il était ennuyé par les paroles de la jeune femme. Elles étaient plus impertinentes et sensées qui ne s’y était préparé. Au lieu d’hériter d’une gentille brebis qu’il aurait pu contrôler, il se retrouvait avec un chat sauvage qu’il serait difficile d’apprivoiser. Cette constatation ne lui plaisait pas spécialement mais pour la première fois, l’idée que celle qu’il avait désignée puisse le surprendre positivement lui parut possible.

Alana ne savait pas comment interpréter l’attitude du roi. Elle reprit la parole pour tenter de s’expliquer.

— Ce Thyone est sûrement celui qui aurait du être à ma place dès le début. C’est bien qu’il vienne aussi. Il est plus prêt que moi à accomplir ce voyage, il a été préparé pour ça. Mais ne croyez pas que je resterais passive derrière lui. Je saurais aussi représenter et honorer notre peuple.

Le roi garda encore quelques minutes de silence. Alana ne cessait de tortiller sa robe du bout des doigts sous son regard exigeant.

— Tu dois connaître l’état du Royaume, annonça-t-il subitement. 

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13 juin 2010 7 13 /06 /juin /2010 12:08

 

Une petite suite pour vous faire patienter... Je m'excuse de ne pas pouvoir poster plus, mais je suis en période d'examen et je n'ai pas assez de temps pour écrire régulièrement ! =)

J'espère que cette courte suite vous plaira quand même ! Bonne lecture !

 

 

 

Alana se retourna d’emblée. Elle fixa les deux hommes qui l’étudiaient attentivement.

— Elle sera pendant un an dans le royaume le plus sûr au monde, continua Dhalim sans se soucier du visage perplexe de la jeune fille.

— Et personne ne pensera qu’une personne aussi insignifiante qu’elle, puisse être chargée d’un trésor aussi précieux !

— Dîtes donc, répliqua aussitôt Alana, je vous signale que je suis encore là ! Alors si vous pouviez éviter de me déconsidérée, ça me serait agréable !

            Idrux toussota, embarrassé.

            — Et puis, continua-t-elle, pourquoi devrais-je prendre tous les risques à votre place ?

            — Il n’y aura aucun risque pour vous. Qui penserait à vous attaquer ? rétorqua Dhalim en haussant un sourcil moqueur.

            Alana croisa les bras. Sa posture indiquait clairement son opinion. Dhalim s’apprêtait à poursuivre quand il reçu un coup de coude dans les côtes d’Idrux. Le prince prit la parole.

            — N’avez-vous pas dit que cette pierre portait chance ? Vous allez en avoir besoin chez les elfes. Si ce peuple est réputé pour avoir toutes les qualités, mon père ne cesse de me répéter comme il est dur de traiter avec eux ! Ils s’encombrent d’une multitude de protocoles abracadabrants et chaque décision est discutée pendant une éternité. Et si personne n’hausse la voix ni ne crie sur son voisin, les guerres invisibles qui secouent leurs clans sont souvent bien plus ravageuses que les notres. Cette pierre ne sera pas un poids pour vous mais une aide précieuse !

            Alana se mordilla les lèvres. Ses yeux ne lâchaient pas la pierre qui semblait l’inviter à la saisir en renvoyant dans ses pupilles des reflets enchanteurs.

            — Vous devriez mettre toutes les chances de votre côté, qui sait ce qui se passera quand les elfes comprendront qu’ils doivent traiter avec une personne de votre condition ! Enfin, heureusement que sir Thyone vous accompagne.

            Alana releva la tête et le fixa, surprise.

            — Qui est-ce ? demanda-t-elle, sur ses gardes.

            — Mon père ne vous l’a pas dit ?

            — Je n’ai pas vu le roi depuis le banquet, hier soir.

            — Pourtant, il avait l’attention de vous convoquer cet après-midi pour éclaircir certains points avec vous.

            Les lèvres d’Alana s’étirèrent dans un sourire sarcastique.

            — Je vous signale, mon prince, que mon après-midi a été assez occupée. Et j’ai encore du mal à être à deux endroits à la fois !

            Idrux tapota ses doigts contre sa poitrine.

            — Vous devriez y aller sans tarder alors, je doute que mon père soit très patient. Cela me surprend qu’il n’ait pas déjà lancé des avis de recherche pour savoir où vous étiez !

            — Mon roi ne devait pas être très embêté par ma disparition… Il me laisse de l’avance pour que je ne puisse être rattrapée si je souhaite m’éclipser discrètement. Cela le soulagerait d’un grand poids ! Ce serait tellement dommage qu’il doive choisir dans les plus brefs délais celui qui aurait du être dès le départ à ma place !

            Les paroles de la jeune femme étaient railleurs et Dhalim toussota pour dissimuler le sourire qui lui montait aux lèvres. Idrux ne prit pas cette peine et rit de bon coeur.

            — Si vous tenez réellement à faire ce voyage, lui dit-il, prenez cette pierre et courrez voir mon père avant qu’il n’arrange le voyage sans plus tenir compte de vous !

            Alana hocha la tête. Elle s’empara de la bague que lui tendait Dhalim et la remit autour de son cou, attachée au cordon de cuir. La pierre alla se loger au creux de ses seins.

            — Eh bien mes seigneurs, je vous souhaite une bonne soirée, déclara-t-elle. J’espère que nous aurons le plaisir de nous croiser avant mon départ.

            Alana plongea dans une brève révérence. Idrux et Dhalim lui répondirent d’un salut de tête qui engendra chez Alana un sourire éclatant. Si une personne lui avait dit, deux jours plus tôt, qu’elle converserait avec le prince et un de ses amis dans leur appartement au château, elle n’aurait pas manqué de lui rire au nez ! La vie était une énigme invraisemblable. Elle secoua la tête sans se départir de son sourire et se dirigea vers la sortie.

            Les deux jeunes hommes regardèrent Alana sortir de la pièce avec ébahissement. La jeune femme ne se doutait pas de l’attrait qu’elle provoquait quand, par un simple sourire, elle donnait envie aux hommes de provoquer encore et encore cette expression enjouée qui lui allait si bien. 

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4 juin 2010 5 04 /06 /juin /2010 20:41

 

Dhalim approcha sa main. Il effleura la pierre. Alana guetta sur son visage un signe favorable. Il s’empara du bout des doigts de la bague et l’approcha de ses yeux. Il l’examina avec attention, sans rien laisser paraître. Idrux suivait chacun de ces gestes. La pierre verte scintillait selon l’angle dont il inclinait ses facettes. Les battements de cœur d’Alana s’affolèrent et la question qui lui brûlait les lèvres resta coincée dans sa gorge.

— Alors ? laissa échapper Idrux.

Dhalim mit quelques instants à répondre, les yeux plongés dans les reflets verdoyants.

— La taille correspond… J’aurais besoin de mes schémas pour vérifier la forme du joyau.

— C’est la bonne pierre ? souffla Alana sans oser y croire.

— C’est possible. Comment diable est-elle parvenue en votre possession ? demanda-t-il en relevant la tête. Je cherche une trace de ces pierres depuis des mois !

— J’ai…

Alana jeta un coup d’œil au prince.

— C’est une longue histoire.

— Nous avons tout notre temps.

— C’est que, tout n’est pas parfaitement légal, grimaça-t-elle en lançant un nouveau regard à Idrux.

Les deux hommes se concertèrent brièvement. Ils se tournèrent vers elle d’un même mouvement, tout sourire. Dhalim hocha la tête pour signifier son accord et Idrux déclara :

— Tout ce que vous direz, restera dans cette pièce.

Alana finit par acquiescer lentement. Elle entreprit de raconter les grandes lignes de leur périple et comment Jorin lui avait appris l’existence de la bague porte-bonheur. Elle passa les détails, la poursuite dans le bordel, et ce doute qui l’avait possédée sans prévenir dans les moments les plus inopportuns et qui s’évaporait dès qu’elle ressortait à l’air libre.

Dhalim et Idrux l’écoutaient d’une oreille attentive. Parfois, l’un d’eux laissait échapper une exclamation de surprise. Alana n’essayait pas de se valoriser mais racontait sans simagrées ce que ses amis et elle-même avaient accompli. Elle rendait à chacun sa part du mérite.

— Pourquoi avoir fait tout ça ? fut la première question de Dhalim. Vous auriez pu vous faire arrêter pour toutes ces infractions !

— Cela me paraissait important. Ne me demandez pas pourquoi, c’est ce que je ressentais. J’agis toujours selon mon instinct. Et je pars demain, je ne pouvais pas attendre.

— Vous n’aviez aucune raison de vous mettre dans ces situations !

— Peut-être. Mais je l’ai fait. Me le reprochez-vous ?

— Oh, non ! Je suis bien trop heureux que vous l’ayez fait. Qui est-ce Jorin dont vous parlez tout le temps ?

— Un ami.   

— Ce nom me dit quelque chose… Comment diantre a-t-il pu être au courant de cette histoire de bague avant moi ?

— Vous n’êtes pas assez proche du peuple. Vous avez du chercher dans toutes les archives de la ville un témoignage qui relatait l’existence d’une bague sertie d’une émeraude. Mais vous n’avez pas fait attention aux rumeurs. Selon Jorin, la pierre n’a été montée sur une bague que récemment, contrairement à ce que vous m’aviez raconté la première fois que nous nous sommes parlés.

— Cela veut dire qu’il s’agit peut-être d’une des deux autres pierres que je recherche ! Deux pierres à Syrma, ce serait trop beau !

            — Si vous n’avez pas réussi à trouver la première, c’est peut-être qu’elle n’est plus ici, suggéra pourtant Alana, dubitative.

            Dhalim fronça les sourcils mais approuva. Il se dirigea vers le bureau sur lequel était posé un tas de paperasse. Il ouvrit le dernier tiroir et souleva plusieurs feuilles avant d’en retirer une. Il compara la bague avec ses dessins. Il retourna le bijou sous tous les angles, mesura son diamètre et sa longueur à l’aide d’une règle. Son examen dura plusieurs longues minutes pendant lesquelles Idrux et Alana retinrent leur souffle.

            — Tout correspond, finit par déclarer Dhalim avec ébahissement. C’est une des pierres, une des pierres magiques ! Il n’y a aucun doute !

            Alana sauta sur place et prit Dhalim dans ses bras. Elle se retira aussitôt quand elle prit conscience de son geste mais ses yeux brillaient d’excitation. Un immense sourire s’affichait sur le visage d’Idrux.

            — Plus que deux, on dirait, énonça-t-il. Il faudrait porter celle-ci jusqu’à ta maison.

            — À quoi bon ? répliqua Dhalim. La légende raconte que la protection des pierres n’est efficace que lorsqu’elles sont toutes réunies. Il faut donc trouver les autres pierres ! Nous allons avoir besoin d’aide. Comment se nomme ton ami ? demanda-t-il à Alana.

            — Jorin’Fal Mirusum.

            — Ce nom me dit vraiment quelque chose... Ou pouvons-nous le trouver ?

            Alana contempla un instant les deux seigneurs qui attendaient sa réponse avec fébrilité. Elle imagina la tête de Jorin quand le prince se présenterait à lui. Que donnerait-elle pour être présente à ce moment là ! Un franc sourire étira ses lèvres.

            — Demandez à l’aubergiste du Dragon farci, Jakron Pertuny. Il saura vous répondre.

            Dhalim hocha la tête mais il était bien trop excité pour rester en place. Il commença à faire les cents pas dans la pièce.

            — Il faut absolument lui trouver une cachette digne de ce nom ! déclara-t-il en désignant la pierre qui chatoyait dans le creux de sa paume. Et si on l’enfermait à l’intérieur des coffres royaux ?  Ils sont renommés inviolables.

            — Personne n’y a accès, répliqua Idrux.

            — Engager des gardes pour la garder ?

            — Trop cher et trop contraignant !

            Alana laissa ainsi les deux hommes délibérer sur la question. Ils échangeaient toutes sortes de propositions. Ils se soumettaient mutuellement toutes les idées qui leur traversaient l’esprit, mais ils refusaient aussitôt chacune d’entre elles.

Alana se perdit dans la contemplation de l’appartement et s’approcha à pas légers de la fenêtre. Il s’élevait de deux étages au-dessus de la cour principale et elle pouvait observer de son poste l’ensemble des vas-et-viens de la cour. Elle aperçut un fiacre s’engager trop rapidement dans une des allées qui menaient aux écuries. Il manqua de renverser une statue d’Hélios qui surveillait de sa haute posture le mouvement des domestiques pressés. La sculpture représentait un grand homme, au visage sévère, qui croisait les bras sur la poitrine. Sa tête était auréolée d’un large soleil dont les rayons émanaient de toutes parts.

- Et pourquoi pas elle ?

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29 mai 2010 6 29 /05 /mai /2010 12:43


«  Crois en toi petite, et on croira en toi. »

 

 

— Alana, vous ne pouvez pas vous introduire dans les appartements du seigneur Fedka sans vous être fait annoncée ! protesta à voix basse Kheka pour la énième fois.

— Monseigneur Dhalim sera enchanté que je lui rapporte la pierre. Je ne vois pas pourquoi j’attendrais devant sa porte qu’un de ses serviteurs personnels dédaigne passer par là ! Je vais frapper, il n’y a rien d’extraordinaire à ça.

— Mais une dame ne frappe pas, geignit Kheka.

— C’est parfait puisque je n’en suis pas une !

Alana se dégagea de l’emprise de Kheka qui lui tenait avec instance le bras. Elle se rapprocha de la porte en bois qui l’empêchait de rejoindre Dhalim. Elle n’avait pas parcouru tout ce chemin pour se laisser intimider par quelques règles stupides qui stipulaient que personne ne devait s’introduire dans des appartements privés sans y être attendu. Kheka la regarda marteler quelques rapides coups sur le battant en se mordillant la lèvre. Aucune réponse ne parvint à Alana mais elle entendit des voix assourdies qui provenaient de l’intérieur. Elle réitéra son geste, sans succès.

            — Eh bien, s’il faut employer les grands moyens ! marmonna-t-elle entre ses dents.

            Alana s’empara du loquet de fer et le souleva d’un geste décidé. Elle entra sans autres préambules alors que Kheka restait en retrait dans le couloir vide du château et se tordait les doigts d’anxiété. Tout ce qu’ils avaient réalisé reposait sur ce court moment et Kheka ne pouvait s’empêcher de douter du bienfondé de leur aventure. Ils devaient exister tant d’émeraudes à la beauté admirable, cette pierre ne pouvait pas être si spéciale !

 

            Alana s’introduisit dans l’appartement. Devant elle, se dressaient deux portes blanches aux contours dorés. Les voix qu’elle avait discernées provenaient de l’une d’entre elles, légèrement entrouverte. Alana s’approcha et poussa la porte. Elle entreprit immédiatement une courbette.

            — Excusez-moi, seigneur Dhalim, vous ne répondiez pas alors je me suis permise d’entrer.

            Alana releva la tête pour trouver les deux hommes qu’elle avait entendu parler ensemble, tournés vers elle. Ils la fixaient bouche-bée. Derrière eux, se dressait une vaste cheminée sur laquelle plusieurs porcelaines exposaient leur finesse. La pièce se composait de deux parties distinctes. Près de la fenêtre, se trouvait aménagé un espace de détente. Un canapé se logeait dans l’angle des murs à deux pas d’une étagère remplie de livres. La lumière était assurée par un chandelier, posé sur une petite table en face du divan. L’autre côté de la salle accueillait un cabinet d’étude. Un encrier et une plume en argent étaient ainsi soigneusement posés sur un bureau où une multitude de documents reposaient. Les yeux d’Alana s’agrandirent de surprise quand elle reconnu le compagnon de Dhalim.

            — Mon prince ! s’exclama-t-elle en replongeant dans une révérence plus profonde. Je ne pensais pas vous trouver ici !

            Alana resta courbée. Les deux hommes patientèrent quelques instants en silence. Ils s’attendaient à tout moment à ce qu’Alana reprenne la parole pour s’excuser de les avoir déranger. Mais elle ne soufflait mot. Idrux finit par intervenir.

            — Eh bien, dit-il, si vous nous expliquiez la raison de votre présence ?

            Alana se redressa et aperçut le sourire intrigué qui étirait les lèvres du prince.

            — C'est-à-dire… commença-t-elle. Je voulais m’entretenir avec le seigneur Fedka.

            Les deux hommes l’examinèrent de nouveau, ébahis. Elle sous-entendait sans complexe que la présence d’Idrux était inopportune. Elle demandait, comme une faveur naturelle, que son prince se retire de la pièce où il conversait quelques instants plus tôt.

            — C’est important, ajouta-t-elle, sérieuse.

            — Et qu’est-ce qui serait assez important pour justifier que vous vouliez me voir en privé ? l’interrogea Dhalim avec une note de sarcasme dans la voix.

            — Cela concerne les pierres magiques, répondit-elle sans changer d’expression.

            À nouveau, Idrux et Dhalim la fixèrent comme si elle s’était transformée en grenouille volante.

            — Je crois que j’en ai trouvé une, ajouta Alana comme elle n’obtenait pas de réponse.

            Dhalim mit quelques instants à réagir. Quand il prit la mesure de ce qu’elle lui annonçait, il s’approcha à grands pas d’elle.

            — Montrez-la-moi ! s ‘empressa-t-il de lui enjoindre.

            Alana jeta un coup d’œil au prince.

            — Idrux connaît parfaitement l’histoire de ces pierres, et cela bien avant vous ! déclara Dhalim avec une pointe d’impatience quand il surprit son regard.

            Alana hocha la tête et s’empara du cordon qu’elle avait pendu à son cou. Elle s’aperçut qu’elle n’avait pas envie de leur montrer la pierre, qu’elle aurait aimé la garder contre elle à jamais. Elle se rendit compte qu’un rien aurait pu la décider à tourner les talons et s’enfuir avec son trésor. Elle expira une longue bouffée d’air pour chasser ses pensées ridicules. Alana s’empara de la bague et la sortit, enfermée dans son poing. Elle tendit sa main fermée devant elle et Idrux rejoint Dhalim aux côtés de la jeune femme. Alana prit une grande inspiration. Avaient-ils eu raison de prendre tous ces risques ? Avait-elle bien fait d’exposer ses amis pour récupérer cette toute petite pierre ?

Elle ouvrit les doigts. 

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24 mai 2010 1 24 /05 /mai /2010 12:57

 

Les trois amis s’engouffrèrent dans la rue et refermèrent la petite porte du jardin derrière eux. Leur souffle court tranchait avec le silence de la ruelle.

- Il faut encore s’éloigner, murmura Jorin. Avancez !

Les deux jeunes femmes obéirent et reprirent leur avancée. Kheka observa avec ébahissement Alana et Jorin s’engager avec calme dans l’allée sur laquelle débouchait la petite ruelle. Leur démarche était calme comme s’ils revenaient du marché et tout leur corps tendait à faire croire qu’ils flânaient tranquillement dans la ville pour profiter de l’après-midi.

- Comment pouvez-vous êtes aussi détendus ? demanda Kheka quand elle n’y tint plus. J’ai les jambes si flageolantes que je pourrais m’écrouler à tous instants !

Un rire narquois s’échappa de la gorge d’Alana.

- Mon cœur bat si vite qu’une fanfare ne parviendrait pas à suivre son tempo ! Mais si nous courrions en regardant derrière nous, tout le monde soupçonnerait que nous avons commis quelque chose de répréhensible. Et tu peux être sûre qu’ils se souviendront de nous ! Alors que trois jeunes gens qui se promenaient de-ci, de-là, ne marquent pas les esprits. L’habitude de la rue.

- L’habitude de commettre des folies, tu veux dire, ajouta Jorin en lui adressant un clin d’œil.

Kheka leur décocha un sourire crispé et ils continuèrent leur chemin en échangeant des banalités. Alana retira discrètement le cordon de son cou sur lequel elle avait attaché la bague. La tension qu’elle avait accumulée tout au long de l’après-midi se dissipait peu à peu mais elle ne voulait négliger aucun détail. Elle serra le bijou dans le creux de sa paume. « Si tu portes vraiment chance, petite pierre de pacotille, débrouille-toi pour que ton vol ne soit jamais découvert ! » lui proféra-t-elle en pensée. Elle ajouta avec un peu de retardement « S’il te plait ». On ne savait jamais, si les objets commençaient à devenir magique, il n’y avait qu’un pas pour qu’ils apprennent à parler !

 

Les trois compagnons parvinrent au portail du château alors que le soleil entamait sa lente descente aux enfers. Un garde les aperçut et donna aussitôt l’alerte. La caserne s’anima et deux hommes sortirent avec empressement. Edrik alla se poster devant les grilles, les bras croisés, pendant que Regan observait la scène d’un peu plus loin.

- Alana, tu as vu l’heure ? s’écria-t-il dès que les trois jeunes gens furent à porter de voix. Tu veux ma mort où quoi ? J’ai cru que tu ne reviendrais jamais ! Tu sais ce que le roi nous aurait fait subir si tu t’étais évaporée dans la ville ? On aurait fini en prison ; au mieux ! Tu as pensé à ça ? Je suis sûr que non !

- Pas la peine de crier, Edrik. Je suis là maintenant, tout va bien ! Nous avons eu un léger contre temps.

- Un léger ? Tu te moques de moi, dans quelques heures la nuit sera tombée ! Il ne faut pas tout ce temps pour dire au revoir à ses amis.

- J’ai du remplir une mission avant de revenir.

- J’espère qu’elle était importante, railla-t-il, pour nous avoir fait attendre aussi longtemps !

- Elle l’était, Edrik, elle l’était. Et je suis désolée de t’avoir fait peur, mais je ne regrette pas. J’avais quelque chose à faire et je l’ai fait. Regarde, je ne risquais pas de m’envoler, Kheka était avec moi. Et il y avait même Jorin pour me surveiller !

Edrik jeta un coup d’œil sceptique aux deux concernés qui encadraient Alana. Il s’approcha d’un pas et tendit la main à Jorin qui la serra d’une poigne ferme.

- Désolé Jorin, je n’avais pas fait attention à toi. Merci d’avoir raccompagné cette inconsciente jusqu’ici. Et je n’ai pas eu peur, bougonna-t-il à l’adresse d’Alana, seulement, je ne suis pas friand des châtiments qu’on accorde aux gardes qui ne sont pas vigilants. Bon, maintenant que vous êtes là, vous devriez filer au château ! Et en vitesse ! Je n’aimerais pas qu’on lance des recherches pour vous retrouver !

- À vos ordres ! lui répondit Alana en souriant.

Kheka hocha énergiquement la tête. Elle ne voulait pas se retrouver mêler à un scandale, elle en avait déjà assez fait pour aujourd’hui. Elle se demanda ce que penserait de tout ça sa maitresse Zavi. Elle serait à coup sûr intéressée par l’histoire et curieuse de la valeur de la pierre qu’ils avaient dérobés. La nature de ce qu’ils avaient fait vint ébranler ses principes et elle vacilla. Ils s’étaient introduits dans une propriété privée pour voler un objet précieux et elle les avait aidés ! Elle n’en revenait toujours pas. Elle se promit d’adresser une prière à Helios pour que l’affaire n’entache jamais l’honneur de sa famille qui avait servi depuis si longtemps les nobles sans que rien ne salisse leur nom.

Alana se tourna vers Jorin et le regarda longuement. Elle nota dans sa mémoire son visage, le léger plissement de son front qui indiquait qu’il était inquiet, ses grands yeux songeurs et sa bouche toujours prête à sourire. Elle nota la courbure de ses épaules, l’inclinaison de sa tête tandis qu’il la dévisageait. Elle grava en elle ses images, là où personne ne pourrait jamais les lui arracher. Un an loin de Syrma lui parut soudain une éternité. Elle se retrouva sans en avoir conscience dans ses bras, à le serrer très fort contre elle. Quelques larmes perlèrent au coin de ses yeux et elle tenta de les essuyer en frottant son visage sur la tunique de Jorin. Elle devenait émotive, mordiable !

- Tu vas me manquer Al’, murmura Jorin à son oreille. Prends soin de toi, et arrête les bêtises pour quelques temps. Je n’aimerais pas que tu reviennes en morceaux soigneusement rangés dans un caisson !

Alana rit et lui administra une petite claque à l’épaule.

- Espèce de gros bêta, si je reviens en morceau, tu n’auras qu’à me recoudre. On ne se débarrasse pas de moi si facilement !

Le ton de sa voix se voulait léger mais le tremblement qui l’accompagnait ne laissait pas de doute sur son émotion.

- Prends soin de toi également, conclut-elle dans un souffle.

Elle le serra une nouvelle fois dans ses bras et s’éloigna rapidement de la caserne sans se retourner. Jorin embrassa Kheka sur la joue, un peu trop près des lèvres pour que ça soit innocent, avant que la jeune femme ne s’échappe en courant à la suite d’Alana. Edrik grimaça en les regardant s’éloigner.

- Ah les femmes !

 

 

The Oracle by blackeri

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22 mai 2010 6 22 /05 /mai /2010 12:58

 

Alana sourit amusée. Elle parvint à s’emparer de la colonne centrale du lustre et repéra d’où provenait le reflet. Un petit trou laissait apparaître une pierre qui ressemblait à une émeraude.

- Elle est là, murmura Alana avec extase. Je la vois, c’est elle, j’en suis sûre !

Les épaules de Jorin se détendirent sous elle et un cri de soulagement s’échappa des lèvres de Kheka. Les doigts d’Alana coururent sur la colonne jusqu’à sentir un petit creux. Elle introduisit la fourchette et tortilla la pointe dedans. Elle mit plusieurs minutes à comprendre le mécanisme qui retenait la bague à l’intérieur du lustre mais un déclic finit par retentir et la pierre s’échappa. Alana la retint de justesse avant qu’elle ne tombe par terre.

            Elle écarta précautionneusement ses doigts pour découvrir la bague. Ses yeux s’écarquillèrent d’admiration. Elle comprit pourquoi le joaillier avait tenu à conserver le souvenir du bijou. Les faces sans défauts de la pierre scintillaient à la lumière et réverbéraient dans ses pupilles le plus beau des éclats. On aurait dit le reflet des landes de Pan qui passaient pour les terres les plus verdoyantes du royaume. Elle détacha à regret son regard de la bague. Elle retira le cordon qu’elle avait autour du cou et l’enfila en son bout. Elle aimait le contact froid de la gemme sur sa peau et elle se retint de l’examiner de nouveau. Au lieu de ça, elle se tourna vers Kheka qui la fixait toujours.

            - Tu peux me passer la fausse bague s’il te plait ?

            Alana tendit la main et récupéra le bijou qui lui sembla incroyablement terne. Elle se saisit de la colonne centrale du lustre et y introduisit la bague. Elle bloqua le mécanisme pour qu’elle ne s’échappe pas grâce à sa fourchette.

- Et voilà, c’est fait ! déclara-t-elle.

Les trois amis étudièrent le lustre. Leur visage aurait du exprimer de la joie mais une étrange concentration se lisait sur leurs traits. Ce fut finalement Jorin qui brisa le silence.

- L’éclat est beaucoup moins important. Ils le verront au premier regard !

- Il faudrait mettre quelque chose de brillant dessus, enchaîna Alana.

- De l’huile ? proposa Kheka.

- Cela sèchera trop vite.

- De la cire ?

- Où veux-tu en trouver, nous n’avons pas beaucoup de temps !

Le silence retomba tandis que chacun réfléchissait à une solution. Alana observait le lustre, préoccupée, de sa position en hauteur. Plusieurs longues minutes s’écoulèrent ainsi.

- J’ai une idée ! s’exclama soudain Kheka. Je reviens !

Elle s’échappa du salon sans ajouter un mot. Jorin et Alana entendirent ses pas précipités s’éloigner puis revenir peu de temps après. Kheka se présenta devant eux, les joues rouges et un grand sourire aux lèvres. Alana tenta de voir ce qu’elle avait apporté avec elle mais n’aperçut rien jusqu’à ce qu’elle brandisse son poing serré sur un petit objet.

- Du vernis ! expliqua-t-elle sous le regard ébahi de ses amis. Je l’avais remarqué en fouillant. Même en séchant il rajoutera de l’éclat à la pierre !

- Kheka, tu es un géni ! s’extasia Alana. Si je n’étais pas perchée sur les épaules de ce grand dadais, je te serrerais dans mes bras ! Envoie le flacon !

Kheka lui lança la petite bouteille et Alana l’attrapa au vol. Elle se servit du pinceau pour appliquer le vernis sur la pierre, la recouvrant d’un écran transparent qui brillait à la lumière. Le résultat était bluffant. Le lustre renvoyait la même lumière verte dans le miroir.

- C’est parfait ainsi, dit-elle.

Alana se laissa glisser des épaules de Jorin et remit le flacon de vernis à Kheka.

- Réfléchissons avant de partir. Nous ne devons rien oublier. Je pense que nous avons encore une dizaine de minutes sans risque que le somnifère ne fasse plus effet. Quelles traces aurions-nous pu laisser ? Tout le monde a remis en place chaque objet déplacé ?

Jorin et Kheka hochèrent la tête.

- Vous n’avez rien touché dans sa chambre ?

- Rien. Ni les rideaux tirés, ni le verre posé sur sa table de nuit, répondit Jorin.

- Le verre ! s’exclama Alana. Il doit encore contenir de la poudre, il faut le laver !

- Mais on risque de réveiller le vieux Balsnark, hasarda Kheka d’une petite voix.

- On ne peut pas se permettre qu’il s’en aperçoive. Je vais m’en charger.

Alana sortit du grand salon suivie de Jorin. Ils traversèrent rapidement la maison jusqu’à la porte clause qui menait à la chambre des Balsnark. Alana s’empara de la poignée et la tourna lentement. Sa main tremblait et elle entrebâilla avec difficulté le battant. Le léger raclement de la porte sur le sol faillit lui faire rebrousser chemin. Jorin lui saisit doucement le bras et la tira en arrière.

- Je vais m’en charger, lui chuchota-t-il, tu en as déjà assez fait.

Alana s’écarta sans broncher. Elle ne s’était pas rendue compte de la crainte qu’elle éprouvait à remettre les pieds dans cette pièce avant d’avoir ouvert la porte. Jorin se faufila à l’intérieur et avança, pas à pas, jusqu’à la table de chevet. Il attrapa doucement le verre et fit demi-tour. Alana le voyait bouger au ralenti, chacun de ses gestes semblaient attendre le réveil du vieux Balsnark. Jorin parvint pourtant près d’elle sans qu’il n’y ait eu de mouvement dans le lit et lui tendit le verre. Elle le rinça et Jorin reversa une goutte de cognac dedans. Alana insista pour qu’il dépose à côté de Balsnark une fleur blanche qui reposait auparavant dans un vase. Elle lui expliqua en quelques mots brefs que cela devait lui rappeler une promesse qu’il lui avait faite : pas un mot à sa femme ni à quiconque d’autres.

Un bruit se fit brusquement entendre alors qu’ils refermaient la porte de la chambre. Ils s’immobilisèrent aussitôt. Les trois amis retinrent leur souffle. Balsnark avait du se retourner dans son lit, son réveil était proche. Ils s’éloignèrent à pas lents jusqu’à l’entrée de la maison. Ils gagnèrent ainsi la porte principale quand Kheka s’aperçut qu’elle tenait encore le vernis à la main. Elle se retourna, prête à le remettre à sa place mais Jorin lui retint le bras et la força à les suivre. Ils sortirent de la demeure et se mirent à courir à travers le jardin.

- Ce n’est pas un minuscule flacon de vernis qui leur manquera ! déclara-t-il d’une voix ferme à Kheka quand il surprit le regard inquiet qu’elle portait à l’objet. On ne pourra jamais effacer toutes les traces de notre passage, mais si jamais Balsnark se réveille et qu’il nous voit, on est fichu ! 

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15 mai 2010 6 15 /05 /mai /2010 21:41

- Pour nous aussi, déclara Kheka avec la même voix déçue.

- Il faut continuer, il faut chercher dans les autres parties de la demeure ! s’écria Alana.

- Nous n’aurons pas le temps, il va se réveiller dans moins d’une heure, rappela Jorin en levant la main d’un geste désabusé.

- On ne peut pas abandonner, la bague doit bien être quelque part ! On sait qu’elle est ici ! continua pourtant Alana avec véhémence. La cheminée, je suis sûre que tu n’as pas vérifié la cheminée !

Alana se dirigea avec rapidité vers l’âtre sous le regard effaré de ses amis. Elle se laissa tomber à genoux, maculant sa robe de cendres. Ses mains coururent sur les pierres couvertes de suie pour y déceler une cachette ou une pierre qui pouvait être descellée. Elle chercha ainsi plusieurs minutes, la tête plongée dans le conduit de la cheminée, avant de s’avouer vaincue et de se relever. Ses mains et une partie de son visage s’étaient noircis ce qui lui donnait un air égaré. Elle n’y fit pas attention et s’essuya les doigts sur l’envers de son jupon, loin des regards. Ses yeux restaient déterminés et elle se mit à examiner sans relâche tous les objets de la pièce. Elle devait réfléchir comme les Balsnarks, trouver quelque chose d’élégant qui était assez commun pour qu’ils n’aient pas découvert son secret. Elle aperçut un beau vase qui avait du être réalisé par un maître potier tant la finesse de sa courbe était admirable. A son côté trônait une petite boîte à musique où deux danseurs se tenaient prêts à valser ensemble. Un souvenir se fraya un passage jusqu’à sa mémoire et elle s’en rapprocha à grands pas.

- Je l’ai déjà vérifié, lui dit Jorin dans son dos.

Alana l’ignora et s’en saisit prestement. Elle la tint un moment devant elle avant de la retourner à l’envers et de commencer à défaire les crochets qui maintenaient le mécanisme fermé.

- Quand j’étais à l’orphelinat, commença-t-elle, un des grands garçons de l’internat s’est vu offert une boîte à musique par ses parents. C’est un des seuls cadeaux que nos gardiens nous autorisèrent à garder. Sa mélodie servait de berceuse aux plus petits et elle devint très vite un élément essentiel de nos journées. Ce garçon était quelqu’un de très gentil et il ne supportait pas la souffrance. Il instaura un système où tout le monde pouvait se décharger de ses peines, de ses espoirs ou même des accusations qu’on ne pouvait pas les  exprimer sans craindre des représailles violentes. Il avait découvert que sa boîte à musique pouvait s’ouvrir et que l’intérieur formait un espace suffisant pour glisser quelques bouts de papier. Chaque personne qui souhaitait partager un sentiment sans oser le dire glissait discrètement un message dedans. A la fin de la semaine, le garçon ouvrait sa boite à musique et nous les lisait. Ces moments comptent dans mes très rares souvenirs heureux de cette période.

Alana crocheta la dernière boucle d’acier et ouvrit doucement le coffret. Jorin et Kheka s’étaient petit à petit rapprochés pendant qu’elle contait son histoire, un espoir fou s’accrochant à eux. Ils se penchèrent par-dessus son épaule et découvrirent en même temps l’intérieur. Ils retinrent leur souffle et les battements de leur cœur se suspendirent.

Le creux de la boite était vide. Définitivement et irrévocablement désert.

- Tout cela ne sert à rien, gémit Kheka, nous ne trouverons jamais cette bague ! Ils ont du trouvé une cachette extraordinaire. C’est leur trésor le plus précieux !

- Renonces-tu ? lui demanda Alana et sa voix claqua avec reproche.   

- Je suis réaliste.

- Alors tu n’iras pas loin dans la vie !

Alana se détourna de ses compagnons la mine sombre et déçue et commença à faire les cents pas dans le salon. Elle devait réfléchir. Dans quelle pièce -si ce n’était pas elle- avaient-ils la plus de chance d’avoir oublié un détail ? Où pouvait bien se cacher cette fichue pierre verte ? Elle élimina la salle à manger et la cuisine qui lui semblaient être des salles trop utilisées et communes pour renfermer un bijou. Elle tenta de se remémorer les meubles de riche signature qui auraient pu être réalisés spécialement pour contenir un compartiment secret, mais toute la maison recelait de richesses et chaque pièce lui apparaissait comme un trésor en elle-même. Même ce lustre qui oscillait légèrement au-dessus de sa tête semblait fait de diamants ! Il projetait dans le miroir des scintillements argentés accompagnés de quelques éclats verts amandes. Elle devait réfléchir. L’éclat du lustre attirait sans cesse son regard et la distrayait. Réfléchir. Une multitude de diamants accompagnés d’un léger reflet prairie. Penser. Un papillonnement d’étoiles blanches et verdoyantes. Réfléchir, penser, diamants, réfléchir, émeraude, réfléchir, lustre, penser, penser, penser, penser… Stop !

Alana entreprit un demi-tour sur elle-même en plissa les yeux en direction du lustre.

- Il devrait y avoir du vert.

Kheka et Jorin la fixèrent sans comprendre.

- Regardez, leur dit-elle en tendant la main vers le miroir. Le reflet de la lumière qui scintille comporte une nuance de vert. Mais si vous regardez le lustre, tous les diamants qui pendent sont transparents. Cette nuance ne devrait donc pas exister !

- Alana, soupira Jorin, c’est ridicule. Personne n’irait cacher une bague dans un lustre !

- Tu as une meilleure idée, répliqua-t-elle et un sourire se dessina sur ses lèvres. Tu peux me porter sur tes épaules ?

Jorin laissa échapper un nouveau soupir mais il se mit à genoux sans protester. Alana lui grimpa prestement dessus et Jorin se releva sans mal. Il se plaça sous le lustre et sentit son amie s’étirer pour fouiller des mains le tourbillon de diamants qui répandait dans la pièce une douce lumière. Alana grogna quand elle sentit ses doigts seulement effleurer le cœur du lustre.

- Kheka, j’ai besoin de toi ! s’exclama-t-elle. Tu peux me trouver quelque chose de long et de pointu ?

Kheka hocha la tête et se précipita hors de la pièce. Elle courut jusqu’à la cuisine. Elle sentait son cœur marteler le rythme de ses pas pressés qui l’éloignaient dangereusement de ses amis. Elle ouvrit un tiroir sans se soucier du bruit qu’elle faisait et en retira une fourchette. Elle l’apporta aussitôt à Alana qui s’en empara en la remerciant d’un geste de la tête.

- Jorin, tu peux te mettre sur la pointe des pieds en me portant ?

- Tu crois t’adresser à qui ? Bien sûr que je peux, petit poids plume !

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12 mai 2010 3 12 /05 /mai /2010 22:00

Elle se dégagea lentement de peur qu’un de ses gestes ne le réveille malgré le breuvage qu’il avait bu. Elle rattacha tant bien que mal son corset mais renonça à mettre en place sa robe. Elle ne cessait de jeter des coups d’œil à l’homme endormi pour vérifier qu’il ne bougeait pas. Elle ouvrit prudemment la porte de la chambre veillant à ne pas faire de bruit puis s’élança en courant de toutes ses forces dans le couloir. Elle retraversa la maison sans faire attention à la décoration raffinée des pièces et s’échappa au dehors. Elle eut tôt fait de parcourir la petite cour et le chemin caillouteux jusqu’à la porte d’entrée des serviteurs. Elle l’entrebâilla et passa sa tête dehors.

- Jorin, Kheka ! Venez vite !

Alana se rendit compte de son désarroi quand sa voix s’éleva suppliante et sa cassa dans une note affolée. Ses deux amis qui guettaient l’entrée à quelques pas de là l’entendirent aussitôt et se précipitèrent vers elle. Elle les vit arriver avec soulagement et les introduit dans le jardin de la demeure.

- Alana ! Alana ça va ? s’empressa de lui demander Jorin.

Il remarqua sa tenue négligée et son corset qui ne tenait que par quelques ficelles. Il fronça les sourcils, mécontent.

- Si ce sottard a osé poser la main sur toi !

- Il ne la pas fait mais… Il…

Alana frissonna. La tension qu’elle avait réussi à contenir pendant toute l’opération se rependit en elle en une marée dévastatrice. Elle chancela et des larmes lui piquèrent les yeux. Les images de tout ce qu’elle aurait pu subir si elle n’était pas parvenue à verser le somnifère ou si Balsnark n’avait pas bu son verre, défilèrent devant ses yeux. Jorin la retint pour éviter qu’elle ne tombe. Elle se força à retrouver une respiration normale et se redressa.

- Il est endormi. Nous avons une heure devant nous pour trouver la pierre. Dépêchez-vous !

Kheka et Jorin se regardèrent avant d’acquiescer. Kheka se pencha vers Alana et lui tendit sa sacoche accompagnée de ses vrais vêtements.

- Tu devrais te rhabiller, lui suggéra-t-elle avec un sourire.

Alana hocha la tête et s’empara de ses biens.

- Partez sans moi, vous trouverez facilement… Je vous rejoins tout de suite après.

Jorin l’observa avec circonspection. Ses poings étaient serrés en une posture menaçante mais les yeux qui posaient sur elle recelaient une incroyable douceur.

- Si tu n’es pas là d’ici une dizaine de minutes, lui dit-il, je reviens te chercher !

Alana sourit et opina du chef. Ses deux amis lui jetèrent un dernier coup d’oeil avant de s’élancer sur le chemin, leurs pas pressés crissant sur le gravier. Ils devaient commencer les recherches sans attendre, le temps était compté.

 

 Alana entra dans la maison, les jambes encore flageolantes. Elle ouvrit les portes des différentes pièces jusqu’à trouver ses compagnons en pleine exploration des tiroirs de la salle à manger. Kheka était agenouillée devant un buffet alors que Jorin vérifiait le haut d’une armoire sur la pointe des pieds

- Vous avez trouvé quelque chose ?

- Pas encore. Nous avons déjà fouillé la cuisine, un petit cabinet et la chambre des Balsnark. On s’est dit que tu ne voudrais pas y entrer de nouveau et qu’il fallait profiter de son sommeil.

- Vous avez bien fait, leur répondit-elle avec un petit sourire maladroit. Il reste beaucoup d’endroits à visiter ?

- Si la bague est cachée dans cette partie de la demeure, il reste encore deux salons et une chambre d’ami à vérifier, lui expliqua Jorin. Si nous n’avons pas de chance, nous devrons chercher dans les deux autres ailes du bâtiment presque aussi grandes que celle-ci. Mais je doute que les Balsnark s’éloignent de leur trésor. Surtout pour le cacher là où vivent leurs domestiques !

- Je m’occupe de la chambre d’ami. Le premier qui trouve une cachette, une petite boite ou n’importe quoi, il crie !

Kheka et Jorin approuvèrent en rigolant à voix basse. Ils se séparèrent pour gagner du temps et s’appliquèrent à fouiller tous les recoins de la maison. Alana vérifia le dessous du lit de la seconde chambre et regarda derrière chaque livre posés sur les étagères. Les tiroirs qui renfermaient certaines tenues féminines furent soigneusement examinés. Elle vérifia les draps pliés dans une commode et écarta des piles de papiers posés sur un bureau pour vérifier qu’aucune cache ne lui échappe.

Kheka de son côté s’occupait d’un petit salon rose pâle. Elle souleva tous les coussins posés sur les fauteuils pour être sûre qu’aucune boîte ne soit dissimulée dessous. Elle déplaça quelques tableaux et scuta les murs derrière. Elle avait entendu dire que certains nobles cachaient de cette manière leur fortune dans de petits repaires.

Jorin quant à lui se consacrait à l’exploration du salon principal, beaucoup plus grand. Un canapé quatre places trônait en son centre, devant une petite table basse d’un bois marqueté. Quelques peintures étaient suspendues ça et là et entouraient un grand miroir qui occupait tout un pan du mur en face du canapé. De légers rideaux marrons encadraient les fenêtres de la pièce d’où se déversaient la lumière du jour. Jorin observa tous les recoins avec attention. Il souleva puis remit avec minutie à leur place les objets du salon sans rien découvrir. Alana et Kheka finirent par le rejoindre quand elles terminèrent leurs propres recherches. Il n’eut pas besoin de demander si elles avaient trouvé quelque chose quand il aperçut leur visage. Leur mine fermée était la meilleure des réponses. Il termina l’inspection d’un secrétaire avant de se lever et de déclarer dans le silence pesant qui s’était installé.

- Rien.

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9 mai 2010 7 09 /05 /mai /2010 10:26

 

L’entrée révélait la richesse des Balsnark avec ses battants sculptés de lignes géométriques. Elle menait à un long couloir au carrelage noir et blanc dans lequel Alana s’engagea.

- Pourquoi n’y a-t-il aucun serviteur ? demanda-t-elle intriguée. J’aurais imaginé qu’ils abondaient dans une demeure d’une telle grandeur !

- Ma femme les a tous pris avec elle. Elle déteste se déplacer sans garder tout son confort. Je me contente d’une femme de ménage et d’un domestique pendant ses voyages. L’une ne travaille pas aujourd’hui tandis que l’autre est malade et tousse infernalement dans sa chambre qui est bien heureusement dans une autre partie de la maison.

Alana hocha la tête et retint un sourire. La chance semblait finalement être avec elle plus qu’elle n’aurait pu l’espérer. Elle s’amusa à imaginer l’épouse de Balsnark tout en traversant les différentes pièces. Elle était sûrement une petite femme boulotte, très soignée, les cheveux teintés pour garder un semblant de jeunesse. Elle devait posséder un fort caractère, imprévisible, ou il n’aurait jamais cru à son histoire.

Balsnark la conduit directement dans une grande chambre où un lit à baldaquin trônait au milieu. Un fin voile de mousseline entourait la couche et contribuait à une atmosphère troublante. Alana se dirigea vers la seule fenêtre qui occupait un tiers du mur et tira doucement de grands rideaux violet aux velours pesants. Balsnark ne ratait aucun de ces gestes et elle sentait ses yeux la déshabiller avec délectation. Elle ressentit un frisson de dégout ; tout cela était bien trop proche de ce qu’elle avait déjà vécu. Jamais elle ne subirait une nouvelle fois les caresses d’un homme qu’elle ne désirait pas ! Son passage au bordel et son altercation avec Naphity lui avait ravivé les souvenirs et elle dut se contrôler pour que ses mouvements restent caressants. Elle plaqua un sourire engageant avant de se retourner vers Balsnark, la main négligemment posée sur sa hanche. Il se rapprocha d’elle et se pencha à son oreille.

- Eh bien, puisque le spectacle est gratuit, déshabille-toi, lui chuchuta-t-il.

Un tremblement la secoua tandis que ses paroles se superposaient à celles prononcées dans le passé. Balsnark prit ça pour un signe de désir et lui effleura la joue. Alana se fit violence pour ne pas reculer et au lieu de ça lui sourit malicieusement.

- J’aime mettre mes clients dans de bonnes conditions.

- Ce ne sera pas nécessaire, votre vue suffit amplement.

Alana laissa un rire s’échapper de sa gorge comme ravie du compliment.

- J’insiste, j’aime que les choses soient bien faites.

Elle laissa sa main descendre le long du pantalon de Balsnark pour lui prouver ses dires mais elle s’écarta rapidement de lui.

- Où cachez-vous un bon cognac ?

- Dans ce coffre, lui désigna-t-il de la tête.

Alana se dirigea vers le meuble où elle découvrit un petit bar caché. Quelques verres en cristal étaient entreposés à côté de bouteilles d’une qualité indéniable. Elle s’empara d’une coupe et la déposa sur la table de chevet pour le remplir. Elle sortit discrètement de sous son corset un petit sachet de poudre dont elle arrosa le fond du verre. Pendant toute l’opération son pied droit était remonté sur sa jambe gauche avec une lenteur calculée pour que le regard de Balsnark soit attiré par ce geste suggestif.

La poudre était composée du même mélange d’herbes qu’Alana avait donné à Severy, la femme de l’aubergiste pour l’aider à dormir. La dose qu’elle avait introduite dans le verre suffisait à plonger un homme dans un sommeil profond en une dizaine de minutes.

Elle versa le cognac dans la coupe qu’elle porta à ses lèvres sous le regard scrutateur de Balsnark. Elle en but une gorgée en se rapprochant de lui. Elle savait qu’une telle quantité absorbée ne provoquerait aucune somnolence chez elle tout en prouvant innocemment que la boisson était buvable sans danger. Elle lui tendit son verre en arrivant près de lui et se lécha une lèvre où perlait une goutte de cognac.  

- Merci ma chère. Commencerons-nous maintenant ? Je crains de n’être pas très patient…

Le cœur d’Alana s’affola.

- Nous allons débuter par un massage, prononça-t-elle d’une voix chevrotante qu’elle réaffirma aussitôt. Je vais réveiller tous vos sens pour que vous deveniez sensible à la moindre fluctuation de désir de votre épouse. Vous deviendrez un amant attentif et fougueux. Buvez ce cognac et allongez-vous.

Elle lui caressa le bras et l’invita à finir sa coupe pour se diriger vers le lit. Comme Balsnark ne bougeait pas et semblait osciller entre obéir ou passer aux choses sérieuses sans plus attendre, Alana se dirigea vers le lit d’une démarche langoureuse où elle s’installa à califourchon.

- Eh bien messire, viendrez-vous me rejoindre ?

Balsnark s’avança, les lèvres retroussées par un sourire convoiteux. Il but d’un trait le cognac et reposa brutalement le verre sur la table de chevet. Alana ne put retenir un soupir de soulagement en observant la coupe vide. Elle tira de cette petite victoire le courage de retirer la chemise du vieux Balsnark sans trahir son écœurement et sa crainte. Il voulut la prendre dans ses bras mais elle l’évita adroitement d’un petit rire moqueur. Elle l’incita d’un signe de tête à s’allonger sur le matelas recouvert d’une douce couverture blanche. Elle s’assit sur lui et entreprit de le masser avec des mains expertes. La maitrise des remèdes que lui avait enseignée Strefta comportait aussi certains gestes pour détendre et soulager les muscles des patients. Balsnark grogna de plaisir mais ne mit que quelques minutes à se lasser de ne plus pouvoir la voir. Il roula sur le dos et Alana se retrouva face à lui, dans le lit à baldaquin. Bien trop près. Elle retint son souffle quand les doigts de Balsnark se levèrent à son visage pour l’effleurer. Il fallait absolument que son somnifère agisse maintenant ! Elle ne se sentait pas capable d’affronter Balsnark malgré sa soixantaine d’année ni de sentir ses mains sur son corps. Elle se redressa et s’écarta imperceptiblement pour se soustraire à son contact. Elle entreprit de délier délicatement son habit.

- N’oubliez pas, vous ne devez pas souffler mot de ma visite à votre femme. La prochaine fois que vous vous trouverez en sa présence, le souvenir de cet instant vous reviendra et votre désir s’enflammera. Vous imaginerez chacun de ses gestes comme étant le mien et vous l’emmènerez au septième ciel.

 

Sa voix était gourmande mais chacun de ses mots étaient pesés pour qu’elle puisse dérober la pierre sans que Balsnark ne se doute de sa disparition après sa venue. Son histoire ne devait jamais être évoquée. Il hocha la tête trop occupé à la détailler mais Alana observa avec une lueur d’espoir ses yeux cligner de plus en plus souvent. Elle fut bientôt obligée de laisser glisser le haut de sa robe, révélant son corset qu’elle délaça à son tour le souffle court. Elle s’apprêtait à le laisser tomber, révélant sa poitrine avec une pointe de détresse quand les paupières de Balsnark s’abaissèrent et se fermèrent plus longtemps que d’ordinaire. Elle retint sa respiration, guettant avec appréhension un signe de sa part. Un râle se fit soudain entendre. Alana sursauta, le cœur affolé. Elle se figea plusieurs secondes avant de remarquer la respiration rauque qui s’échappait de la poitrine de Balsnark. Il ronflait !

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  • : Roman fantasy : Filandreux destin
  • : Vous voici entré dans un nouveau monde que vous découvrirez au fil de ma plume. Jeune écrivaine de 18 ans, j'ai le plaisir de vous présenter "Filandreux destin" mon nouveau roman. Bonne lecture !
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