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26 octobre 2010 2 26 /10 /octobre /2010 11:43

Non, non, je ne vous oublie pas !

Non, non, l'histoire ne s'arrête pas là !

Voici de nouvelles mises en bouche mais n'oubliez pas que vous pouvez me demander la suite entière par commentaire ! 

 

 

_______________________________

 

 

 

[...] La petite troupe entra dans la Kil’cha alors qu’elle pansait ses blessures trop récentes. La douleur des pertes et la peur se lisaient encore sur les visages tirés, aux cernes marquées. Le cortège branlant qui s’était élancé dans une fuite éperdue n’avait plus ralenti. Ils avaient parcouru en trois petits jours ce qu’ils devaient traverser en cinq. La pause du midi avait été supprimée et l’arrêt pour la nuit raccourci au maximum : ils installaient le camp la nuit tombée, quand les ombres se confondaient les unes aux autres ; et ils repartaient le lendemain, dès le premier rayon du soleil naissant.

La jeune fille montait toujours son hongre brun qu’elle avait baptisé « Biquet » en l’honneur de Zavi. Son amie aurait détesté ce nom ! Un sourire ironique teinté de mélancolie étira les lèvres d’Alana. Non, la vie ne s’arrêtait pas et elle se débrouillerait pour que la jeune noble ait l’occasion de lui reprocher ce choix inconvenable. [...]

 

_______________________________

 

[...] Alana examina discrètement les elfes qui se tenaient fièrement dans leur siège. Au début, elle les trouva tous très ressemblants car chacun d’entre eux possédait un visage allongé et de longs cheveux raides. Petit à petit, en les détaillant de plus près, elle s’aperçut pourtant que leur physique n’était pas si uniforme. Les oreilles de certains étaient plus allongées que d’autres, les yeux étaient plus ou moins plissés, les lèvres plus ou moins pincées. Si tous dégageaient un charme et une sensualité bien supérieurs à la moyenne des Hommes, la jeune femme nota qu’il existait tout de même de « beaux elfes » et des « elfes moins beaux ».

            L’un d’eux attira son regard.

            Ses cheveux étaient de la couleur des champs de blé ; il semblait d’une taille moyenne et portait d’élégants vêtements. L’elfe – qui paraissait avoir une trentaine d’années humaines – était assis au premier rang de la tribune de droite qui jouxtait les trônes. Il dégageait une prestance et un aplomb sans faille, tempérés par un agréable sourire. Ses yeux bleu-ciel étudiaient chaque membre du cortège avec soin, comme s’il pouvait découvrir, selon la manière dont ils se tenaient et la place qu’ils occupaient dans la procession, qui ils étaient. Ses yeux s’arrêtèrent enfin sur Alana et elle surprit un léger froncement de sourcils. L’observée ne fit pas mine de tourner la tête et continua à le considérer, se demandant elle-même qui il pouvait bien être.

            Un raclement de gorge ramena la jeune femme à la réalité. Elle reporta son regard sur la reine Tre’sy qui semblait l’inviter à prendre la parole. Son ventre se noua d’un seul coup, contractant tous ses muscles. Ses observations l’avaient amené bien loin du présent. Gênée, Alana toussota afin de s’éclaircir la gorge. Ce devait être à elle de se présenter. [...]

 

_______________________________

 

 

[...] Cela faisait deux mois que le cortège estropié était parvenu à Miler’io grâce aux diligentes branlantes qui avaient échappé au combat contre les hommes-taureaux. Les blessures s’étaient peu à peu fermées et les cœurs ragaillardis. Les morts avaient été pleurés comme il se le devait, puis le présent avait balayé le passé : les vivants s’étaient redressés pour accomplir leur devoir au sein de la Kit’cha. Les elfes semblaient à la fois distants et très présents dans la vie des habitants de Syrma, près à répondre à leurs moindres attentes tout en les considérant comme quantité négligeable. La forêt apaisait les esprits et le chant des oiseaux célébrait la quiétude de la nature. Les cauchemars s’étaient éloignés, les nuits agitées s’étaient peu à peu espacées jusqu’à disparaître, et chacun avait pu retrouver un sommeil tranquille.

            Chacun ou presque.

            Alana ne cessait de voir apparaître Zavi dans ses songes, entourée de deux centaures aux visages agressifs. Leurs lèvres supérieures étaient retroussées dans un sourire provocateur. Pourtant, malgré les chaines qui pesaient sur ses poignets et ses chevilles, son amie relevait les yeux vers elle et murmurait : « Ne sont-ils pas Hommes dans la même mesure que nous ? ». [...]

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30 août 2010 1 30 /08 /août /2010 21:55

 

           "... Le sud-est du pays, proche des montagnes du Néant, subissait l’attaque de bandes organisées qui ne laissaient aucun survivant derrière eux. Les raids étaient rapides, encore peu nombreux et disparates mais d’une violence rare. Le roi craignait qu’il ne s’agisse de gobelins qui, longtemps retranchés dans leurs montagnes étriquées et inhospitalières, souhaitaient récupérer les terres du Dehors. L’enlèvement d’enfants secouait ensuite la tranquille vie des mines du Zad. Les garçons d’une dizaine d’année se volatilisaient mystérieusement sans laisser de traces. Ces étranges disparitions se limitaient pour l’instant à la ville de Gahnek et ses alentours mais Ivac III redoutait que le peuple s’affole et déserte la province. L’Aegir – la plus grande région de Syrma et la plus productive – comptait plus de vols et de bagarres que les autres années sans que cela n’inquiète son représentant, le seigneur Kiviuq. ..."

 


 

"... Le chant d’un rossignol lui parvint en étouffé, retranchée derrière sa vitre. Il se tût quand les diligences approchèrent du virage où il devait se cacher. Un hennissement effarouché retentit à l’avant du cortège. Un cri perçant lui fit aussitôt suite. Des ordres furent beuglés et tous les véhicules s’arrêtèrent dans une grande secousse. Mehlin se jeta sur la portière qu’il ouvrit avec une force qu’Alana n’avait pas soupçonnée. Il descendit précipitamment et jeta un regard alarmé à ce qui avait provoqué leur brusque halte. De nouveaux hurlements résonnèrent et Alana vit passer devant elle les soldats de l’arrière-garde, les armes à la main. ..."

 

 


 

"... Le centaure rua et abattit ses sabots sur l’un des gardes qui tentaient vaillamment de le retenir. Une lance dépassait de son poitrail sans qu’il ne semble en tenir conséquence. Son pelage poivre était souligné par d’épaisses chaines de fer qui cliquetaient dans un tumulte infernal. Son torse était nu mais sa peau mate semblait plus épaisse que celle d’un bœuf. Son visage bourriné par les intempéries reflétait une barbarie sans limite et ses yeux d’un noir de jais ne laissaient aucun doute sur ses envies meurtrières.

À ses côtés, se battaient des hommes aussi larges que des taureaux, aux muscles saillants. Ils étaient d’une pâleur qui tranchait avec leur carrure et le sourire féroce qu’ils abordaient. ..."

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6 août 2010 5 06 /08 /août /2010 14:49

Alana resta assise quelques minutes en silence, à réfléchir à Thyone, ce qui lui avait dit, ce qu’elle allait devenir chez les elfes, la pierre, la magie, ce qu’elle devait encore apprendre de la cours elfique, les réactions qu’elle provoquait, les nobles, Jorin, Syrma qui lui manquait, l’incroyable chance de rencontrer des êtres de légende, ce qu’elle faisait là, comment elle remettrait la missive du roi à la reine… Tiens d’ailleurs, elle devait régler le problème du parchemin sans attendre ! Elle jeta un coup d’œil à sa sacoche d’où le papier satiné dépassait, immanquablement scellé. Elle tendit la main pour l’attraper et l’examiner de nouveau.

— Alana ?

La voix raisonna brusquement derrière la jeune fille, lui faisant faire un bon sur place. Pourquoi n’entendait-elle jamais personne arriver ? C’était sûrement à cause de cette maudite herbe, si dense qu’elle étouffait le bruit des pas ! Alana laissa retomber sa main et se retourna avec appréhension. Ce n’était quand même pas ce fichu Thyone qui revenait accompagné ?

— Zavi, Kheka ! émit-elle dans un soupir de soulagement. Vous pouvez venir si vous voulez !

Les deux jeunes femmes s’approchèrent et s’assirent à ses côtés. Le spectacle qu’elles offraient - toutes trois en cercle, posées à même le sol - aurait surpris la plupart des voyageurs, mais elles étaient trop reculées du camp pour qu’on leur prête attention. Une diligence les cachait également aux regards curieux.

— Nous avons croisé Thyone avec une expression meurtrière dans les yeux. On s’est dit qu’il n’y avait que toi pour l’avoir provoquée, donc on s’est mis à ta recherche au cas où tu aurais besoin des premiers secours, expliqua Zavi avec une voix mi-ironique, mi-sérieuse.

— Mon seigneur Dhyle aurait pu se laisser aller, nous savons qu’il ne vous porte pas dans son cœur, continua Kheka avec une grimace. J’espère que vous ne l’avez pas provoqué !

— Moi ? s’écria Alana en ouvrant de grands yeux. C’est lui qui est venu me voir pour me dire des atrocités ! Il m’a dit que tous les nobles m’étaient hostiles…

— Ce qui n’est pas faux… répliqua Zavi.

Kheka lui jeta un regard noir ; ce n’était pas le genre de choses qu’on énonçait tout haut. La Dame haussa les épaules : une vérité était une vérité, elle n’allait pas s’amuser à prendre des pincettes pour ménager les petits cœurs fragiles !

— Même toi, Zavi ? demanda Alana après un instant.

— Bien sûr que non !

— Veux-tu dire que tu me défends ?

— Bien sûr que non ! répéta-t-elle.

Alana fronça les sourcils.

— Je ne vais pas me mettre les nobles à dos pour tes beaux yeux, ma belle. Alors quand je suis avec eux, je compatis sur notre sort qui nous oblige à tolérer une pauvre sotte dans nos rangs. Je suis d’ailleurs très convaincante !

— Je suis contente de le savoir… Et comment expliques-tu nos nombreuses conversations ?

— Voyons, tout le monde connaît mon grand cœur et ma grande franchise ! Si je dois m’accommoder d’une jeune villageoise ignorante, autant que je m’occupe d’elle. Vois-tu, je m’efforce malgré la répulsion que tu m’inspires, à rester à tes côtés et à t’éduquer comme je l’ai promis au roi.

Les lèvres de Zavi étaient étirées dans un de ses sourires espiègles dont elle avait le secret. Alana se retint de rire.

— Comment veux-tu que je te fasse confiance quand tu me dis des trucs pareils ? lui lança-t-elle avec un grand sourire.

— Justement parce que je te les dis, répliqua Zavi avec une expression entendue.

— Et vous savez, ajouta Kheka, si les nobles ne vous aiment pas, ce n’est pas le cas des serviteurs et des gardes ! Le comportement que vous avez eu avec Mehlin et Fita vous a conquis leur respect et leur amitié. Je n’ai pas entendu un soldat dire du mal de vous, ni un domestique !

Alana sourit.

— Merci Kheka ! Ca me fait plaisir de l’entendre.

— Mais que faîtes-vous ici ? ajouta son amie. Pourquoi vous êtes vous isolée ? Ce n’était pas prudent ! Et cela ne vous ressemble pas !

Alana jeta un coup d’œil au parchemin qui dépassait toujours de sa sacoche. Elle contempla ses compagnes à tour de rôle. Elle ne parviendrait pas à ouvrir la missive sans de l’aide ; elle n’avait même pas de couteau ! Elle pouvait en voler un au repas du soir, mais aurait-elle encore l’occasion de se soustraire aux regards, cachée derrière une diligence, loin du camp ? Cependant, pouvait-elle leur faire confiance ? Les questions tournaient dans son esprit. Le malaise qu’elle avait ressenti en cachant à Kheka que la pierre était bien magique se raviva. Elle ne laisserait pas deux fois la prudence l’emporter ! Elle ne pouvait pas tout garder pour elle ! Si seulement Jorin avait été là…

— J’ai besoin de votre aide, lâcha-t-elle. J’ai avec moi une lettre du roi à l’adresse de la reine des Elfes. Je voudrais l’ouvrir.

Kheka s’étrangla.

— Vous ne pouvez pas faire ça ! C’est une lettre du roi ! s’écria-t-elle.

Sa voix tirait dans les aigues alors que Zavi restait impassible.

— Je peux la voir, demanda-t-elle.

Alana s’empara du parchemin qui l’attendait encore dans sa sacoche et le tendit à la jeune noble. Zavi s’en empara et examina avec attention le sceau. Elle hocha la tête.

— C’est bien une lettre du roi en personne. Je suis surprise qu’il t’ait remis une telle missive. Pourquoi veux-tu l’ouvrir ?

— Il ne faut pas l’ouvrir ! répéta Kheka, apeurée.

— Ne t’inquiète pas Kheka, personne ne le saura !

La jeune servante croisa les bras pour montrer ce qu’elle en pensait et prit une expression butée.

— Le roi m’a parlé de… menaces. À nos frontières. Il m’a parlé de guerres qui se répétaient tous les 200 ans et qui allaient peut-être se répéter une nouvelle fois… Maintenant.

Les deux jeunes femmes l’écoutaient avec attention. Le visage de Kheka s’était légèrement relâché tandis que Zavi affichait une mine perplexe.

— J’ai du mal à y croire, continua Alana. Pour moi, le passé, c’est le passé. Chaque personne est maitresse de ses actes. Chacun de nous peut choisir de rester enfermé dans le temps ou de se lancer sans plus attendre dans l’avenir. Mais voilà, je suis là. Cela remet tout en cause ! Qu’est-ce qui a poussé le roi à me choisir ? Pourquoi n’a-t-il pas annoncé au peuple Thyone Dhyle comme il en avait l’intention ?

Alana laissa sa voix s’éteindre. Ses deux compagnes l’écoutaient en silence, suspendues aux mêmes interrogations qu’elle.

— Je veux savoir, conclut la jeune fille d’une voix déterminée. Je veux savoir ce que je fais là. Je veux savoir dans quoi nous nous embarquons. Pas vous ?

Alana fixa ses amies d’un air décidé. Kheka se trémoussa sur place. Zavi la contemplait, songeuse. Les trois jeunes femmes s’observèrent ainsi, sans qu’aucune ne reprenne la parole. Ce fut étrangement Kheka qui finit par briser le silence.

— Je suis d’accord, finit-elle par déclarer, surprenant ses deux compagnes. Ce n’est pas bien, ce n’est absolument pas bien ! Mais je veux savoir aussi.

Elle se tourna vers Alana et la fixa avec des yeux sévères.

— Vous avez une influence regrettable sur moi, ma Dame !

Alana lui sourit franchement.

— Et j’en suis très heureuse, répliqua-t-elle en lui serrant la main pour la remercier. Et toi Zavi ?

— Bah au pire, qu’est-ce que je risque ? Si jamais quelqu’un vient à découvrir que cette lettre a été ouverte, c’est toi qui sera en tord. Autant que je connaisse moi aussi son contenu.

— Je suis contente de voir ta grande solidarité !

— Ne me remercie pas, ma belle, c’est tout naturel !

Elles échangèrent un grand sourire moqueur.

— Bon, reprit Alana, il me faudrait un couteau.

— Je n’en ai pas, mais j’ai des ciseaux, répondit Kheka.

— Ca fera l’affaire, je pense.

Kheka s’empara de la fine bandoulière qui pendait le long de sa taille et en ressortit une petite paire de ciseaux, soigneusement rangé dans un fourreau.  

— Depuis quand te balades-tu avec des ciseaux sur toi ? lui demanda Zavi en fronçant les sourcils.

— Depuis que ma maîtresse me demande de lui couper les nœuds qui retiennent ses tresses ou de recoudre un trou dans une de ses robes en pleine journée, répliqua-t-elle.

            — Personnellement, je ne vais pas m’en plaindre ! s’exclama Alana.

            Kheka lui remit sa paire de ciseaux. Elle grimaça lorsqu’elle vit l’une des lames se rapprocher du sceau royal.

            — Si vous compter passer dessous la cire, vous allez la faire craqueler ! Il faudrait une lame chauffée à blanc pour que ça n’abime pas le sceau…

            — Sauf que, répliqua Zavi d’un air narquois, si tu ne l’avais pas encore remarqué, nous n’avons pas de feu !

            Kheka haussa les épaules.

            — Une lame chauffée à blanc, répéta Alana. J’ai peut-être ce qu’il nous faut !

            Les cours de Strefta lui étaient revenus en mémoire. La jeune femme posa sa sacoche sur ses genoux. Elle farfouilla dedans sous le regard intrigué de ses compagnes. Elle en ressortit enfin un petit sachet qui contenait de longues feuilles séchées. Elle en sortit deux et les plaça de chaque côté de l’une des petites lames de la paire de ciseaux.

            — Ces feuilles ont des propriétés remarquables, expliqua-t-elle à ses amies. Elles sont souvent utilisées en cas de fièvre pour la faire retomber. Il suffit de les moudre, d’ajouter des feuilles de pissenlit et de les faire boire au malade.

            Kheka et Zavi plissèrent les yeux, dubitatives sur le rôle que pouvaient avoir les plantes. Les mains d’Alana avait entamé un rapide mouvement de va et vient sur la lame grâce aux feuilles qu’elle pinçait de chaque côté.

            — Elles sont aussi utilisées en mer, quand il fait très froid où lorsqu’une tempête survient. Il suffit de s’en frotter les mains pour qu’aussitôt une forte chaleur s’en dégage. Cela permet aux marins de continuer à manipuler des cordes gelées ou mouillées dans de mauvaises conditions.

            — Vous essayez de chauffer du métal avec des feuilles ? s’écria Kheka avec une voix stupéfaite.

            — C’est exact, répondit Alana, un sourire satisfait aux lèvres.

 

            Le sceau fut ainsi habilement détaché. Les doigts d’Alana déplièrent lentement la lettre pour que le doux papier ne se froisse pas. La tête des trois femmes vint se pencher au-dessus de la missive. 

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4 août 2010 3 04 /08 /août /2010 22:05

C’était la dernière soirée qu’ils allaient passer dans les plaines de Pan. Cela faisait quatre jours qu’ils parcouraient l’immensité verte et chacune de ces journées avaient émerveillé Alana. Elle avait assisté à un lever de soleil au-delà l’horizon qui avait illuminé les herbes brillantes de rosée d’une douce clarté orangée. Elle avait vu des lièvres courir quand les diligences s’étaient approchées de leur terrier. Elle avait observé le travail des fourmis qui transportaient trois fois leur poids avec obstination jusqu’à leur fourmilière.

Pendant cette période, la surveillance de leur camp s’était relâchée. Les soldats discutaient ensemble pendant leur garde, échangeant des blagues à l’humour douteux. Aucun malfaiteur ne pouvait sérieusement attaquer un convoi surveillé sur un terrain aussi plat et dégagé. Le seul danger des prairies se révélait l’été : la flore était alors si sèche qu’elle s’enflammait comme du petit bois.

Alana profita de se relâchement pour s’écarter discrètement du groupe. Elle s’assit par terre, quelque peu à l’écart du reste de la troupe. Elle posa sa sacoche à côté d’elle et en retira la lettre du roi. Elle l’avait caché là, à l’abri des regards, sûre que personne ne viendrait fouiller dans son vieux sac en cuir, rempli d’herbes et de petites fioles empaquetées. Le parchemin était de qualité ; son grain souple et doux glissait sous les doigts de la jeune fille. Le seau royal fermait le rouleau et assurant sa protection. La cire fondue représentait l’insigne royal – le faucon fondant sur la rose – sur lequel se superposait un majestueux I majuscule prouvant que le message provenait du roi en personne. Alana tourna et retourna le parchemin entre ses mains. Avoir si près d’elle un document si important réveillait ses instincts de survie. Celui qui connaissait, vivait. C’était aussi simple que cela.

Comment diable pouvait-elle ouvrir cette missive sans que cela ne se voit ?

Elle jura tout bas pour n’avoir pas eu le temps de glisser un petit couteau dans sa sacoche, le seul bagage qu’on lui avait autorisé à emporter. Comment allait-elle se débrouiller ? Elle ne pouvait pas laisser une telle occasion s’évaporer, personne ne lui expliquerait mieux que cette lettre qu’est-ce qui se passait autour d’elle.

            — Tu t’ennuies de ta vie poisseuse ?

La voix sarcastique qui s’éleva derrière Alana la surprit. Elle sursauta violemment. Elle fourra d’un geste précipité le parchemin dans sa sacoche. Elle ne parvint pas à le cacher totalement ; elle ne pouvait pas refermer son sac sans que la personne qui arrivait ne remarque son mouvement. Elle se retourna lentement ; son cœur battait la chamade. Ses yeux découvrirent Thyone Dhyle qui s’avançait vers elle, seul. Il la rejoignit en deux grandes enjambées avant de camper ses deux pieds dans le sol, l’air méprisant.

— Les rues glissantes et l’odeur de l’urine te manquent ?

Le tutoiement rabaissant et les propos déplacés que Thyone entretenaient à son égard hérissèrent Alana. L’énervement prit peu à peu la place de la frayeur qui lui avait soulevé le cœur un instant auparavant. Elle ne répliqua rien et ne lui adressa qu’un regard méprisant. Elle ne voulait pas s’abaisser à réagir à ses provocations. Elle attendit, silencieuse, qu’il lui révèle sa véritable intension.

— Tu ne dis rien ? En plus d’être illettrée, serais-tu muette ? Très bien, ce n’est pas plus mal.

Alana serra les poings pour se retenir d’effacer le sourire narquois qui s’affichait ostensiblement sur le visage de Thyone.

— Je voulais te parler depuis un moment sans en avoir réellement l’occasion… Je ne sais pas comment tu as réussi à te mettre Melhin et cette Fita dans la poche, mais ils ne te lâchent pas d’une semelle ! Mais ne crois pas que tu es la bienvenue dans ce voyage. Les nobles te méprisent, tu es la honte de notre royaume ! Quel visage allons-nous présenter aux elfes avec toi ?

Le mot fut prononcé avec amertume et dérision.

— J’aurais du être à ta place, et je compte remplir le rôle que j’aurais du tenir ! Je ne sais pas ce qui s’est passé pour que le roi commette un tel impaire, je ne sais pas quelle magie malveillante tu as utilisé, mais je refuse de laisser sombrer mon royaume pour qu’une petite dévergondée s’amuse à jouer les grandes Dames !

Alana ouvrit de grands yeux. Elle ? Utiliser de la magie ? Ce Thyone avait perdu la tête ! Depuis quand les gens s’accusaient ils de pratiquer des pratiques obscures ? C’était complètement ridicule ! Le monde était rationnel, chaque chose s’expliquait intelligemment, et prétendre le contraire n’était qu’une forme hypocrite pour rejeter des tords sur une personne. Le rouge lui monta aux joues et elle s’apprêtait à répliquer sèchement quand elle sentit une pointe lui griffer légèrement la peau. La pierre verte, cachée sous sa robe, se rappela à elle. Que disait-elle ? Que la magie était une stupide invention humaine ? Elle était pourtant là à garder une pierre magique… Elle garda le silence, soudain hésitante. Tout ce en quoi elle avait foi semblait osciller. Thyone en profita pour continuer.

— Hier encore, tu étais là, à trainer dans les rues, en compagnie des voyous. Et tu crois pouvoir négocier avec les elfes ? Ils ne traitent pas avec les bouseux, figures-toi ! J’ai été préparé à cet évènement, et je suis la personne idéale pour remplir cette mission. Je suis cultivé, d’une famille réputée et respectée, je connais tout ce qu’il faut savoir sur les elfes, je suis diplomate, rusé et subtile. Toi… Toi, tu n’es qu’une imposture qui aurait dû rester dans son trou à rat !, cracha-t-il. Tiens-toi à l’écart, et tout sera passera bien. Mais si jamais tu t’avisais à me faire de l’ombre, tu subiras ma colère. Et ma colère est très destructrice.

Son ton laissait clairement entendre qu’il n’hésiterait pas à se débarrasser d’elle par tous les moyens possibles. Bizarrement, depuis le contact de la pierre verte, la colère d’Alana s’était peu à peu apaisée. Les mots blessants de Thyone ne l’atteignaient plus en plein cœur ; ils n’ébranlaient pas ses certitudes, ni ne lui faisaient remettre en question sa place dans le cortège. Elle était étrangement… sereine. Il pouvait dire tout ce qu’il voulait, elle avait accepté de remplir son rôle, et elle le remplirait du mieux qu’elle le pouvait. La pierre lui porterait chance, car, elle le savait maintenant, elle croyait en sa magie.

La jeune femme leva un visage au sourire impertinent vers Thyone.

Tu sais, dit-elle en utilisant intentionnellement le « tu » d’une manière marquée, je te remercie  pour tous ces compliments qui me vont droit au cœur. Je suis vraiment ravie d’être de cette expédition et je suis persuadée que cette année sera fort agréable.

Thyone haussa un sourcil réprobateur. Alana se retint de sourire franchement : c’était fou comme des paroles pouvaient procurer un sentiment libérateur ! Le jeune homme sec se redressa, la regardant de haut. Il lui adressa un dernier regard dédaigneux avant de se détourner. Il fit quelques pas et conclut :

— Rappelle-toi, tu n’as aucune importance.

— Je ferais ce que je devrais faire, répliqua Alana en le regardant dans les yeux.

Thyone la fixa un moment avant de reprendre sa route, sans ajouter un mot.

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31 juillet 2010 6 31 /07 /juillet /2010 12:50

Et le voyage continue...

 

 

 

La jeune fille observait souvent, dans ses rares moments de solitudes, la pierre magique qu’elle portait au cou. Elle était sensée lui porter chance, ce qu’elle avait toujours du mal à appréhender. Ses reflets verts ne s’étaient pas taris et brillaient toujours avec une intensité et une perfection déroutantes. Alana repensait en la contemplant à l’aventure qui lui avait permis de l’obtenir. Les réactions qu’elle avait eu, souvent démesurée, l’étonnaient encore. C’était comme si quelqu’un s’était joué d’elle en s’amusant à dupliquer ses sentiments pour la pousser à commettre des erreurs. Mais bien sûr, c’était impossible ! Jorin et Kheka avaient raison, la fatigue et le stress de sa nouvelle élection avaient du avoir raison d’elle.

 

Le huitième jour, ils parvinrent à l’entrée des plaines de Pan. Ils allaient devoir en parcourir une partie avant de bifurquer en direction de la forêt qui marquait l’entrée du royaume des elfes : la Kil’cha. Quand Alana aperçut à travers sa fenêtre le paysage qui s’étendait sans limite, elle en oublia de répondre à Fita. Elle suivait pourtant avec attention ses leçons et se montrait bonne élève. Elle réussissait à soutenir le rythme des formules qu’elle devait connaître tout en apprenant leur sens comme elle se l’était promis. Même si cet exercice lui demandait beaucoup d’efforts, elle refusait de lâcher l’affaire. Fita s’en étonnait chaque jour et en ressentait une étrange satisfaction.

Les yeux d’Alana ne lâchaient plus le panorama qui se déployait devant elle. Elle n’avait jamais vu un paysage si plat : les herbes bruissaient sous la brise et dominaient le paysage sans qu’aucune autre plante – arbres ou même buisson – ne viennent leur contester leur conquête. La jeune fille découvrait pour la première fois un vert qui égalait la pierre logée contre sa peau. La basse verdure ondulait telle une mer agitée et exposait son éclatante beauté aux yeux des voyageurs. Ca et là, on apercevait des petits îlots de couleurs, blancs ou jaunes, lorsque les marguerites et les boutons d’or s’imposaient à l’immensité verte.

— C’est magnifique ! souffla Alana.

Ils s’arrêtèrent peu de temps après pour la pause de midi. La petite troupe profita du terrain dégagé et de la vue imprenable que leur offrait la lande pour s’accorder un déjeuner plus long que d’habitude. Alana s’allongea avec délice dans l’herbe, un brin vint lui chatouiller la joue. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas ressenti un tel sentiment de quiétude. Bien qu’elle fasse partie du cortège au même titre que chacun d’entre eux, elle sentait encore les regards hautains que lui adressaient les nobles quand elle approchait d’eux. Le jeune homme sec qu’elle avait aperçu à leur départ, et qu’elle avait trouvé vaguement familier, était le pire d’entre eux. Elle avait mis deux jours avant de comprendre d’où lui venait l’étrange impression de le connaître : c’était le jeune prétentieux qui l’avait dévisagée avec tant d’arrogance et de malveillance dans la salle d’attente, avant qu’elle ne soit introduite dans la salle de réception du roi. Le pire avait été d’apprendre qu’il se nommait Thyone Dhyle ; c’est-à-dire que c’était à lui qu’elle avait volé la place, et que c’était en sa compagnie qu’elle serait introduite et qu’elle traiterait avec les elfes. Autant dire que les complications ne faisaient que commencer.

Alana soupira et tenta d’oublier un moment tous les enjeux de son voyage. Elle n’arrivait toujours pas à réaliser qu’elle allait rencontrer ces êtres fabuleux ! Un sourire étira son visage. Elle était bien ainsi, le soleil lui piquetait les paupières qu’elle avait fermées. Son ventre était plein - ils venaient de manger – et la température devenait de plus en plus printanière. Même l’odeur de la prairie lui semblait familière et ajoutait à son bien-être. C’était bizarre d’ailleurs, pour elle qui n’avait connu que la ville… Elle entrouvrit les yeux et se redressa, s’appuyant sur ses coudes. Elle jeta un coup d’œil à la dérobée. Rien ne l’interpella jusqu’à ce qu’elle remarque un tout petit bouquet de plantes aux fleurs bleu nuit. Elle se leva aussitôt, surprenant Fita qui s’était assise près d’elle. La jeune femme se dirigea sans attendre vers sa trouvaille. Elle cueillit une tige qu’elle frotta entre ses doigts avant de la porter jusqu’à son nez. Elle ne s’était pas trompée ! Si l’odeur lui avait parut familière, c’est qu’il s’agissait d’une des plantes qu’elle utilisait le plus couramment en compagnie de Strefta.

Alana était aux anges. Elle n’avait jamais imaginé faire une telle découverte. Ces quelques feuilles et ces quelques fleurs qui n’avaient l’air de rien, valaient une fortune pour les herboristes. Les premières désinfectaient les plaies et soulageaient les maux de ventre tandis que les secondes – encore plus réputées – faisaient, une fois infusées, une tisane des plus exquises ! Mais si les feuilles se conservaient parfaitement, les fleurs devaient s’utiliser le plus rapidement possible, ce qui leur ajoutait de la valeur. Elle cueillit avec soin la plante, calant les feuilles sous son corset et les fleurs dans sa main.

— Melhin, partons-nous tout de suite ? demanda Alana sous le regard intrigué de Fita qui suivait son manège depuis le début.

— Dans un petit moment, mademoiselle. Le temps d’une sieste. Si vous vous inquiétez des bandits, ne craignez rien, il n’y a rien de plus sûr que les plaines de Pan ! Elles sont tellement plates que l’ennemi serait repéré des lieux en avance !

— Oh non, ce n’est pas pour ça ! objecta la jeune fille. Vous pourriez allumer un petit feu ?

Melhin leva un sourcil interrogateur mais obéit sans discuter. Alana se dirigea vers la diligence. Elle farfouilla dans leurs affaires jusqu’à en sortir trois petits bols en terre cuite et une petite marmite. Elle l’installa au-dessus du petit feu qui commençait à flamber et ajouta de l’eau dedans. Elle parsema le tout des fleurs bleu qu’elle avait recueillit. Melhin et Fita la regardaient faire avec perplexité. Alana attendit que le breuvage se teinte d’une couleur grisâtre avant d’annoncer avec enthousiasme :

— C’est prêt !

Elle remplit les petits bols et leur en tendit un. Ils s’en emparèrent et humèrent avec indécision l’eau noire fumante. Alana but avec délice la tisane qu’elle s’était elle-même servie. Comme elle remarquait qu’elle n’était pas imitée, elle expliqua :

— Il s’agit des fleurs de « cultor oris ».

Ses deux ainés la regardèrent sans comprendre.

— Cette plante est réputée en médecine pour ses nombreux bienfaits. Mais si elle est autant connue, c’est que ses fleurs donnent l’une des meilleures tisanes du royaume ! En voir ici, c’est un petit miracle ; et les miracles, il ne faut pas les laisser passer ! Buvez, leur enjoignit-elle avec un sourire rassurant.

— Comment sais-tu tout ça ? demanda Fita en trempant ses lèvres dans le breuvage.

— J’ai étudié pendant un an aux côtés de la meilleure herboriste de Syrma.

— Strefta Ristboher ? questionna Melhin en sirotant sa tisane avec un plaisir non dissimulé.

— Vous la connaissez ? s’étonna Alana.

— Oh, c’est une vieille amie…

Le sourire au coin qu’il arbora vint titiller la curiosité des deux femmes sans que le vieil homme ne juge bon de s’expliquer d’avantage.

Ils finirent de boire l’infusion en silence, chacun savourant l’eau parfumée qui répandait dans leur corps une étrange bienfaisance. Les bruits de conversations des autres diligences résonnaient sans attenter à leur tranquillité. Alana remarqua que le regard de Fita à son égard était plus respectueux, comme si elle se rendait compte que la vie qu’elle avait menée avant ce voyage n’était pas celle des vauriens des faubourgs.  

 

 

 

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28 juillet 2010 3 28 /07 /juillet /2010 18:29

 

 

Le dîner se déroula dans une joyeuse ambiance. Les voyageurs n’étaient pas encore fatigués par le chemin parcouru et tous possédait l’euphorie du départ. Le royaume des Elfes leur semblait à porter de mains et ragaillardissait les cœurs qui regrettaient de laisser derrière eux leur famille.

Petit à petit, la troupe se dispersa pourtant pour se préparer pour la nuit. Un tour de garde fut instauré parmi les soldats qui accompagnaient le cortège. Alana souhaita bonne nuit à Zavi et Kheka – qui lui répondit d’un sourire un peu crispé – et elle s’en alla rejoindre sa diligence. Melhin et Fita étaient déjà entrain de basculer les sièges qui se transformèrent en une commode banquette. Le matelas de cuir de la voiture promettait d’être dur mais il offrirait au moins un contact plus agréable que les pierres râpeuses du sol, et plus chaud que la terre recouverte de rosée. Des couvertures furent tirées de la plus grande male fixée sur le toit, puis distribuées entre les trois compagnons et le cocher qui s’occupait de leur diligence. Alana, munie de la sienne, commença à se blottir dans un coin de la diligence, laissant de la place à côté d’elle pour ses compagnons. Elle attendit quelques minutes leur arrivée, mais comme personne ne venait ébranler la portière, elle décida d’aller voir s’ils avaient besoin d’aide pour une quelconque dernière tâche à effectuer.

Malgré la fatigue qui commençait à alourdir ses paupières, elle descendit de la diligence, pieds nus et vêtue d’une large chemise. L’air froid vint aussitôt la caresser et déclencha des frissons sur tout son corps. Elle resserra ses bras autour d’elle avant de jeter un regard effaré à la scène qui l’attendait. Son souffle s’accéléra et une colère dépitée s’empara d’elle.

Melhin et Ziva étaient tranquillement entrain de disposer une bâche sous la diligence et s’apprêtaient à s’y installer pour la nuit. Le cocher s’était accommodé du siège conducteur et un léger ronflement résonnait déjà de sa place.

— Vous ne comptez quand même pas dormir là-dessous ? siffla Alana, qui se retint de ne pas leur arracher leurs affaires des bras et de les lancer à l’intérieur du véhicule.

— C’est là la place des serviteurs, ma Dame, répondit calmement Fita.

— Je ne suis pas une Dame et il y a largement la place pour trois la dedans, alors veuillez monter à ma suite !

— Vous êtes une Dame depuis que l’on vous a choisi pour ce voyage, et vous devez agir comme tel, répliqua Fita sans se démordre de son calme.

— C’est complètement débile !

— Veuillez à surveiller votre langage…

— Vous allez dormir dans le froid et sur ce sol bosselé pour vous plier à des convenances qui ne servent à rien dans ce trou du croupion ?

— J’ai dit surveillez votre langage !

Sa langue claqua dans l’air du soir et le regard de Fita se fit d’un tranchant acéré. Alana se tint devant elle sans baisser la tête. Elle se tourna finalement vers Melhin.

— C’est votre avis aussi ?

Le vieil homme la regarda un instant avant d’acquiescer. Son regard, empli de compréhension et de bienveillance qui avait tant séduit Alana durant l’après-midi, l’écœura. Quelle était donc cette société où des hommes acceptaient d’être traités comme des esclaves quand ils avaient le choix d’être libres ?

Elle les fixa d’un air dédaigneux. Elle rouvrit la portière de la diligence avec brutalité et s’engouffra à l’intérieur. Elle entendit derrière elle un soupir soulagé. Un sourire narquois étira ses lèvres. S’ils croyaient qu’elle allait accepter ses règles stupides, ils se trompaient ! Ils ne voulaient pas monter au chaud et au sec ? Soit. S’ils avaient décidé de jouer à qui sera le plus abruti et borné, ils remarqueraient bien assez tôt qu’elle était un adversaire de taille. Elle s’empara de sa  couverture, réenfila une partie de ses habits qu’elle avait roulé en boule dans un coin, et ressorti de la diligence. Melhin et Fita s’étaient étendus sur la bâche, en dessous de la diligence pour se protéger des intempéries et du temps joueur. Ils ouvrirent tous les deux les yeux quand ils entendirent la portière s’ouvrir et se refermer d’un claquement sec. Ils regardèrent avec effarement Alana se coucher à leurs côtés et s’enrouler dans ses couvertures. Fita avait la bouche ouverte et elle ne prononça aucun mot pendant qu’Alana s’installait pour la nuit. Une lueur butée s’alluma dans ses yeux et elle ferma résolument les paupières. Si cette jeune folle voulait jouer les héroïnes, libre à elle ! Après une nuit  se tortiller sur le sol caillouteux, elle renoncerait à jouer les téméraires et retournerait sagement dans la diligence, comme il se devait !

Le silence tomba, que seul un rire grave et bas vint ébranler un instant.

 

Une certaine routine se mit en  place les jours suivants. Le camp était levé à l’aube, lorsque le soleil pointait le bout de son nez à l’horizon. On avait remit les à Alana les livres qui couvraient l’histoire elfiques, la composition de leur cour et ce qu’il fallait savoir sur la vie quotidienne des elfes. Elle lisait ces lignes le matin, déchiffrant les petites taches noires qui parsemaient les pages avec une difficulté de moins en moins prononcée. La halte de midi se déroulait toujours aussi rapidement, le cortège se déportant simplement sur le côté de la route pour déjeuner. L’après-midi se consacrait essentiellement aux leçons que lui prodiguaient Melhin et Fita, et Alana profitait de ces discutions pour éclairer certains détails de ses lectures. Ils dépassèrent ainsi la forêt des Tremas sans que rien ne vienne perturber la lente progression des diligences.

Alana retrouvait le soir venu Zavi, et elles discutaient de leurs vies respectives qui s’opposaient en tout point. Quand Alana s’était retrouvée seule dans une grande ville, effrayée de temps de liberté, Zavi avait été choyée mais opprimée par les exigences que lui valaient la fortune de ses parents. Kheka se joignait de temps en temps à elles, et même Melhin s’invitait parfois dans la conversation pour écouter leurs échanges. Il semblait particulièrement aimer quand les deux jeunes femmes s’enflammaient sur des points de vue idéologiques, revendiquant chacune une idée bien précise. Lors de ces conversations, Zavi restait toujours très calme, comme à son habitude, mais sa voix revêtait une froideur qui aurait découragé les plus audacieux ; Alana, au contraire, modulait son timbre au fil de son explication et ses yeux étaient un livre ouvert d’émotions. Malgré leur tempérament affirmé, les deux jeunes femmes se portaient mutuellement une grande estime et elles ne se brouillaient jamais très longtemps.

Alana avait dormi quatre jours dehors, aux côtés de Mehlin et Fita. Elle s’installait sans dire un mot avec eux, chargée de ses couvertures. Elle supportait sans jérémiade les nuits encore froides du printemps et ne se plaignait pas du sol inégal sur lequel elle couchait. Fita avait cédé le cinquième jour et avait accepté d’une voix contrariée qu’ils dorment avec elle à l’intérieur de la diligence. Alana avait sourit et avait simplement hoché la tête pour signifier son approbation, sans plus en faire cas. Cela faisait maintenant une semaine qu’ils étaient partis, et la jeune fille doutait que ses aînés regrettent les nuits maintenant paisibles sur la banquette de leur voiture. Le cocher n’avait pas voulu entendre parler de quitter son siège, ce qu’il considérait comme une trahison envers la fonction qu’on lui avait confié . Alana n’avait pas protesté ; il avait une raison honorable  en accord avec ses principes. 

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26 juillet 2010 1 26 /07 /juillet /2010 22:26

 

La journée se déroula ainsi : au rythme des paroles de Melhin, ponctuées quelques fois par des interventions de Fita éclairant certains détails. Seule une brève halte pour manger coupa la monotonie des claquements des sabots qui percutaient la route recouverte de gravier. Aucune diligence ne s’était mélangée pendant cet arrêt, et tous étaient repartis le plus vite possible. Personne n’aimait s’arrêter sur les chemins en raison du trop grand nombre d’histoires qui s’échangeaient, parlant de caravanes attaquées et dévalisées par des bandits. Ceux qui se laissaient aller facilement à croire n’importe qui, craignaient même des menaces plus fantastiques – ogres et gobelins – dont les charlatans appréciaient tant répandre les méfaits.

 

Alana se trouva être une élève attentive et intéressée, même si ses questions étonnèrent plusieurs fois ses deux ainés par leur originalité. Fita prêtait une oreille attentive à Melhin dont la manière de conter était digne des ménestrels. Elle en oublia d’attacher de l’importance à la formulation des questions d’Alana ; et elle se retint même d’intervenir quand la jeune femme interrogea le vieil homme sur la façon de procréer des elfes : pour comprendre pourquoi ils n’avaient que si peu d’enfants alors qu’ils vivaient si longtemps. Ses joues s’étaient embrasées mais sa curiosité s’était enflammée et elle avait attendu la réponse avec un air curieux à peine dissimulé. Melhin avait secoué la tête et leur avait avoué son ignorance sur le sujet mais il avait entendu dire que la semence des elfes mâles était très peu féconde.

 

Quand le soleil entama sa lente descente, répandant ses lueurs sanguines à l’horizon, le cortège bifurqua et s’éloigna de la route pour s’installer dans un champ, légèrement à l’écart. Les arbres étaient de moins en moins clairsemés ; la forêt des Tremas, qu’ils allaient longer pendant deux jours, n’était plus qu’à quelques lieux. Les diligences s’arrêtèrent et formèrent un cercle, plus facile à protéger la nuit. Aussitôt, les serviteurs sautèrent en bas de leur monture ou de leur siège pour mettre en place le camp. Des feux furent allumés, les provisions sorties, et bientôt une bonne odeur de soupe vint caresser les narines d’Alana. Elle était sortie à la suite de Fita et Melhin mais ses compagnons l’avaient abandonnée pour rejoindre les autres domestiques et les aider. Elle s’était donc retrouver seule à observer l’activité qui se déroulait près d’elle et le paysage alentour. Les arbres et les buissons, la terre et les herbes hautes, étaient bien loin de Syrma et de ses rues pavées glissantes. Elle n’avait encore jamais vu un tel espace inhabité ; sa vie s’était toujours trouvée coincée entre des murs sales mais rassurants. Voir ainsi s’étaler devant elle un si grand emplacement lui proférait une sensation exquise de liberté, entachée par l’appréhension. Tout pouvait arriver dans un lieu si isolé. Des brigands pouvaient s’infiltrer parmi les ombres et les attaquer, un orage pouvait éclater et ravager les voitures… Elle imaginait très bien un troupeau de sangliers leur foncer dessus sans qu’ils ne puissent rien faire d’autre que se percher le plus haut possible, loin de leurs défenses.

— Alana ?

La jeune femme sursauta et se retourna prestement. Elle souffla quand elle reconnue Zavi. Elle se laissait trop facilement effrayer par sa propre imagination.

— Oui ? Je ne savais pas que tu serais du voyage !

— Ca a été décidé au dernier moment. Kheka m’a raconté votre aventure et je me suis dit que te suivre serait beaucoup plus intéressant que de rester m’ennuyer au château.

Alana la regarda, surprise. Elle hocha la tête. La réponse était directe et franche comme toujours avec la jeune noble, et c’est ce qui lui plaisait chez elle. Elle s’était doutée que Kheka livrerait leur histoire à sa maitresse et elle n’était pas mécontente du choix de Zavi. Elle ne partait pas seule pour l’inconnu. Cela la réconfortait aussi pour n’avoir pas révélé la vérité sur la pierre verte à son amie : une personne de plus au courant aurait pu être dangereux et compromettant.

— Le voyage n’est-il pas réservé à des personnes soigneusement sélectionnées ? demanda Alana.

— Je devais faire partie de l’expédition, il y a deux ans, mais une affreuse toux m’en avait empêché. Depuis, le roi ne me ne l’avait plus proposé mais lorsque je lui ai demandé, il a accepté.

— Comme ça, si facilement ?

— On nous a vues bavardé ensemble, au banquet, et je lui ai affirmé que nous nous entendions très bien. Je dois donc garder un œil sur toi et tenter – par mes sages conseils – d’éviter que tu commettes des bêtises irréparables, vue ton éducation.

Alana eut un sourire moqueur devant cette explication. La légère commissure au coin des lèvres de Zavi prouvait le peu d’importance qu’elle mettait elle-même dans ses paroles.

— Heureusement que je suis là ! Contente d’avoir pu t’être utile, déclara Alana, les yeux malicieux. Et que reproches-tu à mon éducation ?

Zavi pris une voix haut perchée, tout en gardant son expression sérieuse.

— Elle est hooorrible ! Ta mère ne t’a jamais apprise à te tenir droite ? Et ton père ne t’a jamais dit qu’on ne parlait aux hommes qu’en présence d’une personne mariée… Ou veuve, passe encore !

Alana sourit jusqu’aux oreilles.

— Nan m’dame ! répondit-elle en imitant l’enfant qui vient de voler des bonbons sous le regard sévère de sa maman. Ma mère est morte et mon père inconnu au bataillon ! Mais on m’a appris à ne pas mettre mes coudes sur les tables et à ne pas manger avec les mains.

Zavi eut un léger froncement de sourcils quand Alana parla de ses parents, mais elle n’en fit pas cas et continua la discussion comme si de rien n’était.

— Bon, ton cas n’est pas si désespéré que ça.

Elle jeta un coup d’œil aux feux au-dessus desquelles de grandes marmites reposaient. Un nuage de fumée s’en échappait, parfois ranimé par un serviteur qui touillait son contenu. Les voyageurs commençaient petit à petit à se rapprocher du centre du cercle.

— Je crois que le repas est prêt, continua Zavi. Nous devrions y aller.

Les deux jeunes femmes se mirent en route, le pas pressant. L’odeur chaude et réconfortante du bouillon qui cuisait se répandait dans la clairière et venait chatouiller leurs narines. Le ventre d’Alana gronda.

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15 juillet 2010 4 15 /07 /juillet /2010 14:32

 

 

           Le bruit répétitif que produisait le cortège dans son avancée et le balancement de la diligence finirent par bercer Alana. Ses yeux encore humides se fermèrent et elle laissa ses pensées dériver. Petit à petit, sa poitrine se relâcha. Elle n’abandonnait pas son passé, elle s’offrait au futur. La distinction lui paraissait importante. Ce qu’elle était devenue dicterait ce qu’elle deviendrait ; et ainsi, toutes les personnes qu’elle quittait et qui avaient influencé sa vie, seraient toujours présentes en elle. Rassérénée par cette idée, l’imagination d’Alana s’envola vers les contrées qui lui étaient promises. Chaque histoire de son enfance lui revint en mémoire. On lui avait tant vanté la beauté des elfes, leur grâce infinie, que l’image qu’elle avait d’eux était celle de demi-dieux. On lui avait aussi décrit l’endroit où ils habitaient : de grandes cabanes perchées en haut des arbres qui ne faisaient qu’unes avec leur tronc. La jeune fille avait du mal à se figurer une telle chose – des humains dans le ciel ! –, elle en conclut qu’on avait sûrement exagéré la chose. Mais dans ce cas là, comment démêlé le vrai du faux ? Après un léger soupir, Alana s’autorisa à rêver de son arrivée chez les Elfes, aussi merveilleuse qu’elle le souhaitait. La réalité serait là bien assez tôt.

 

            La diligence eut un brusque sursaut, plus violent qu’auparavant. La route qu’ils empruntaient n’était pas en très bon état. Les roues rebondissaient sur des cailloux et parfois s’enfonçaient dans des trous que la pluie avait creusé. Cela faisait déjà trois bonnes heures qu’ils étaient sortis de Syrma. Leur voyage devait durer deux longues semaines. Le royaume des Elfes se trouvait au Nord-Ouest de la capitale ; pour y accéder, la petite troupe allait devoir longer la forêt des Tremas puis traverser une partie des plaines de Pan pour enfin parvenir à une série de collines broussailleuses qui débouchaient sur l’immense forêt des elfes : la Kil’cha.

            Alana se tira de sa torpeur et jeta un coup d’œil en biais à ses compagnons de voyage qui se tenaient tranquilles, sans un bruit. L’un était un vieil homme, le visage marqué par l’âge, dont les rides autour de la bouche témoignaient de son habitude à sourire. Quand il aperçut d’ailleurs la discrète inspection que faisait Alana de sa personne, ses lèvres s’étirèrent. La jeune fille fit semblant de n’avoir rien remarqué, mais elle continua de le détailler, l’air de rien. Ses cheveux gris bouclaient légèrement sur le haut de ses épaules et ses joues étaient soigneusement rasées. Il ne portait pas la livrée habituelle des domestiques mais une grande tunique en laine légère, d’un brun cendré. A ses côtés, une femme regardait par la fenêtre le paysage défiler. Ses cheveux bruns étaient retenus par une queue de cheval et retombait sur une robe très simple mais qui trahissait un rang supérieur aux femmes de chambres. Visiblement, on lui avait attribué des serviteurs de qualité. Alana se racla la gorge, brisant le silence.

            — Hum, excusez-moi, prononça-t-elle, je m’appelle Alana Sakmir, et vous ?

            La femme tourna vers elle un visage surpris tandis que les lèvres du vieil homme s’étirèrent encore plus. Ce fut lui qui prit la parole.

            — Nous savons qui vous êtes. Tout le monde le sait, lui répondit-il, amusé.

            La jeune fille grimaça. Elle n’arrivait décidemment pas à se faire à sa récente notoriété.

            — Je m’appelle Melhin, poursuivit-il, et ma compagne se nomme Fita.

            La femme approuva d’un signe de tête. Un gentil sourire s’affichait maintenant sur ses lèvres. On l’avait prévenu que la fille pourrait avoir une conduite reprochable, c’est pourquoi on l’avait assignée à sa diligence. Fita était là pour l’aider à adopter un comportement plus approprié à sa nouvelle condition. Elle avait accepté le rôle avec plaisir ; et c’est grâce à Alana, et sa surprenante élection, qu’elle participait à l’expédition.  

            — Nous avons été assignés sous ta direction pour t’apprendre tout ce que tu dois savoir sur la cour des Elfes. Fita se chargera des coutumes et de toutes les cérémonies indispensables à connaître quand on est introduit à Miler’io.

            Alana lui jeta un regard interrogatif.

            — Miler’io est la capitale de Zyt’cha, que nous appelons plus communément « Royaume des Elfes », lui expliqua-t-il. Zyt’cha veut dire dans l’ancienne langue elfique « ruisseaux de nuage dans le matin brumeux ».

            — Comment un tout petit mot peut-il signifier tant de chose ? demanda Alana, septique.

            Melhin hocha la tête, satisfait de provoquer des questions. La jeune fille semblait s’intéresser à ce qu’il lui expliquait ; et, un esprit à l’affût valait mieux qu’un esprit qui se vautrait dans ses connaissances, aussi importantes soient-elles.   

— L’ancienne langue des elfes fonctionne par image. Chaque mot associe un espace et un temps. Ainsi, Miler’io signifie « soleil embrasé dans le ciel d’été » et représente le lieu où sont situés tous les pouvoirs.

— Beaucoup d’elfes parlent cette langue ? Ce doit être une plaie de l’apprendre si chaque image à son propre mot !

Fita fronça les sourcils en entendant le langage d’Alana, bien trop éloigné de celui d’une Dame. Elle garda pourtant le silence au contraire de son compagnon qui semblait de plus en plus ravi.

— Les elfes vivent plus longtemps que nous, environ le double de notre vie. Cela leur laisse le temps d’en apprendre les rudiments. Mais tu as raison, peu d’entre eux peuvent vraiment se targuer de la parler réellement. Ce sont souvent les personnes de la famille royale et quelques hauts érudits.

— Vais-je devoir l’apprendre ? demanda-t-elle.

Le vieil homme se tourna vers sa compagne.

— Seulement quelques formules, répondit-elle. Les cérémonies de la cour se font principalement dans cette langue, mais tu n’auras pas besoin d’en connaître le sens, seulement de les retenir et de savoir quand les utiliser.

Fita lui adressa un sourire encourageant.

— J’aimerais mieux en connaître le sens, déclara Alana à la surprise de ses deux aides personnels. Ca fait… magique comme langue, essaya-t-elle de s’expliquer devant leur regard étonné. Et puis, je préfère savoir ce que je dis.

Fita acquiesça.

— Comme tu voudras. Mais sache que tu auras beaucoup à apprendre et peu de temps. Il faudra parfois choisir entre l’utile et le superflu.

— J’ai bonne mémoire, répliqua Alana.

Les yeux du vieil homme brillèrent d’amusement devant le ton buté d’Alana. Ce voyage promettait d’être beaucoup plus intéressant qu’il ne l’avait imaginé. Fita acquiesça de nouveau mais la jeune femme vit bien qu’elle n’accordait aucune valeur à ses paroles. Cette constatation ne fit que renforcer sa volonté de leur prouver à tous qu’elle était capable d’assumer sa charge. Instinctivement, elle toucha la pierre verte logée au creux de ses seins.

— Commençons-nous tout de suite ? les invita-t-elle d’une voix faussement maniérée.

Le sourire de Melhin s’accentua. 

— Que dirais-tu, pour débuter en douceur, de connaître les membres de la famille royale ?

— Ca me convient, dit-elle, tout de suite intéressée.

Alana ne mit que quelques minutes pour perdre l’expression suffisante qu’elle avait prise pour contrer le peu de confiance que lui accordait Fita. Bientôt, ses yeux se plissèrent, et elle se pencha, attentive. La voix du vieil homme était posée et ses explications ressemblaient d’avantage à des histoires qu’à de réelles informations. Elle apprit cependant que c’était une reine – la Reine Tre’sy, ou « lune dans un ciel étoilé » – qui dirigeait le royaume des Elfes depuis une centaine d’années. Elle avait un fils, Sil’vun, et une fille promise au trône : Rul’is. Ils n’avaient pas de roi mais un Patriarch, le père des enfants de la reine. Celui-ci n’avait pas de rôle politique précis à part être le premier conseillé de la Reine. 

 

 

 

 

          

 

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9 juillet 2010 5 09 /07 /juillet /2010 23:22

 

On chahutait, on faisait le compte des voyageurs, quelques jurons raisonnaient de temps à autres et Alana tournait sur elle-même avec ébahissement. L’activité de la cour concurrençait la fête du printemps où tous les villageois se donnaient rendez-vous pour boire et danser.

Six diligences attendaient patiemment le départ. L’une d’entre elles les surpassait en élégance. Ses roues étaient jaunes ensoleillées, ses portières rouges lui conféraient de la prestance et les franges dorées qui bordaient le toit la désignaient directement comme commandante au cortège. Et Alana tournait sans pouvoir s’empêcher de tout dévorer des yeux.

Elle compta pas moins de cinq nobles qui se tenaient prêts et surveillaient la préparation de leur attelage. L’un deux lui parut vaguement familier. Assez sec, ses mouvements commandaient avec autorité les valets qui accrochaient ses bagages sur le toit de la diligence. La jeune femme nota qu’il avait les cheveux blonds mais elle fut incapable de se souvenir où elle avait pu le rencontrer. Elle ne s’attarda pas sur lui car son regard fut aussitôt capté par l’arrivée d’autres personnes.

Alana observa avec stupéfaction Zavi avancer avec assurance à travers la cours. À quelques pas derrière elle, marchait Kheka, chargée de quelques paquets. Un sourire étira les lèvres d’Alana. Elle ne serait pas seule ! Un poids qu’elle n’avait pas soupçonné, relâcha sa poitrine et son souffle devint plus léger. Elle regarda les deux femmes, suivies d’autres serviteurs, bifurquer vers une diligence un peu à l’écart. Elle reconnut encore Mendy, sous un amoncellement de sacs en tout genre. Son sourire s’accentua. Quand enfin un valet vint la voir pour lui demander de l’accompagner jusqu’à la belle diligence, la jeune fille acquiesça. Elle le suivit d’un pas rassuré.

 

 Un grand cri signala le départ du cortège. Alana fut secouée par l’avancée des chevaux bien qu’elle fut confortablement assise. Elle jeta un coup d’œil en dehors et aperçut le prince et Dhalim qui attendaient près du grand portail qui gardait l’entrée du château. Idrux leva la main pour saluer Alana tandis que son compagnon lui adressa un sourire teinté d’espièglerie. Elle leur répondit d’un signe de tête avant que son escorte ne les dépasse. La diligence descendit à travers les rues de Syrma. Quelques curieux se massèrent pour les regarder passer mais la date et l’heure de leur départ avaient été tues et peu de villageois étaient présents : beaucoup d’entre eux travaillaient déjà aux champs. Elle n’avait pas non plus prévenu ses amis de son départ ; elle détestait les adieux.

Alana dévorait tous les détails qui lui étaient possible de voir à travers sa fenêtre. Elle se rendait compte que c’était la dernière fois qu’elle voyait ses allées familières, avant que ne se déroule une longue année. Ils passèrent devant l’auberge « Au dragon farci ». Jak se tenait debout sur le pas de sa porte, sa femme Severy appuyée contre lui, encore pâle et faible sur ses jambes. Ils agitèrent leurs mains avec empressement dès qu’ils l’aperçurent. Le regard d’Alana s’embrunit. L’aventure qu’elle débutait était si fabuleuse qu’elle n’en revenait toujours pas d’y participer, mais elle se rendait compte de tout ce qu’elle abandonnait derrière elle. Seraient-ils encore là à son retour ? Que Severy, malgré sa maladie, se soit levée pour lui dire au revoir, embruma une nouvelle fois son regard.

Soudain, une nouvelle silhouette se détacha derrière les deux aubergistes. Jorin, avec son sourire intarissable, vint se poster à leurs côtés. Il ne lui adressa aucun signe. Il garda les bras croisés sur son torse, mais son regard valait toutes les paroles du monde. Il lui disait « Bonne chance sœurette, et à bientôt ! Bonne chance aussi aux elfes pour te supporter ! ». Oui, elle l’entendait d’ici le dire, cette espèce d’andouille au grand cœur ! Elle le suivit des yeux aussi longtemps qu’elle le put. Quand enfin elle détourna la tête, se recalant correctement dans son siège, des larmes s’écoulaient sur ses joues en silence. Le visage des deux domestiques qui l’accompagnaient était flou, comme s’ils avaient fondus et que leurs traits s’embrouillaient ensemble. La jeune femme eut beau cligner des paupières, le flot de ses larmes ne voulait pas se tarir ; et son chagrin coulait sans bruit, noyé dans le vacarme des sabots qui claquaient sur le sol pavé des rues.

 


[Je m'absente deux semaines, je pars en vacances (à moi la mer !), voici donc une petite suite pour vous faire entrevoir le long voyage d'Alana qui commence ! Merci de me lire et n'hésitez pas à me laisser des commentaires pour me donner vos avis sur cette histoire ! Bonne lecture ! ]

 

 

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7 juillet 2010 3 07 /07 /juillet /2010 23:13

Une petite suite pour vous faire patienter ! =)

 

 

« Ce n’est pas l’inconnu qui fait peur petite, c’est la représentation que tu en as. Peins un arc-en-ciel sur le futur et tu avanceras sans plus de craintes. »

 

 

Ce ne fut pas le soleil qui, cette fois-ci, tira Alana du sommeil, mais des coups répétés sur sa porte. Une servante entra dans sa chambre et lui annonça qu’elle devait se préparer pour le voyage. Elle s’approcha du lit avec un plateau à la main. La bonne odeur qui s’y échappait vint chatouiller les narines d’Alana qui se redressa sur les coudes avec délice. Elle avait dormi comme un petit chaton, douillettement installée dans son lit royal. La jeune fille observa une nouvelle fois la pièce qu’on lui avait attribuée, adossée à ses oreillers. Elle ressentait toujours cette joie mêlée à l’incompréhension d’être logée au château. Elle remercia la servante qui déposa les mets sur la table de chevet. Elle regrettait que ce ne soit pas Kheka qui lui ait apporté le plateau ; pourtant, ce fut avec un air endormi mais satisfait qu’elle entama son déjeuner. Elle avait l’impression de débuter un nouveau rêve, rien ne pouvait l’arrêter. Tout ce qu’elle avait vécu la veille était tellement incroyable, impensable ! Elle tata le pendentif, accroché à son cou, pour se convaincre de la réalité. La sensation de la bague dans sa main la rassura. La pierre était fraiche entre ses doigts. Lui porterait-elle chance comme elle est était censée pouvoir le faire ?

 

— Dépêchez-vous ! Allez, avancez !

Les cris résonnaient de toutes parts dans la cour. On s’activait sans trêve ; les bagages et les malles passaient de mains en mains      avant d’être arrimés sur les diligences. Les palefreniers s’occupaient de sceller les chevaux et de les atteler aux véhicules. Les domestiques s’afféraient avec empressement aux côtés de leurs maîtres pour palier aux oublis de dernières minutes. 

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  • : Roman fantasy : Filandreux destin
  • : Vous voici entré dans un nouveau monde que vous découvrirez au fil de ma plume. Jeune écrivaine de 18 ans, j'ai le plaisir de vous présenter "Filandreux destin" mon nouveau roman. Bonne lecture !
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