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13 mars 2010 6 13 /03 /mars /2010 19:04

 

 


            La porte choisit cet instant pour s’ouvrir brutalement sous la poigne ferme d’une grande femme bien en chaire qui se tint un instant coite dans l’embrasure. Murzim Borept portait un grand tablier blanc parsemé de multiples taches de nourriture et de la farine saupoudrait encore une de ses manches. Elle jeta un long regard inébranlable aux servantes qui s’étaient tues et l’observaient anxieusement. Elle pénétra dans la pièce et allongea le pas jusqu’à se trouver en face d’Alana tandis que les femmes s’écartaient précipitamment de son chemin. Elle se campa sans dire un mot devant la jeune fille qui serrait sa serviette contre elle sans gêne, les yeux encore remplis de consternation. La bouche d’Alana se relâcha pourtant et un sourire étira progressivement ses lèvres.

            — Mimi, prononça-t-elle.

            — Alors voilà la chipie qui n’a rien à faire ici ! gronda Murzim.

Toutes les respirations se suspendirent sous l’effet de la surprise et de l’inquiétude perla sur certains visages. Murzim se rapprocha, l’air sévère avant de serrer sans prévenir Alana entre ses deux bras potelés sous la stupéfaction générale.

— Tu m’as manqué ma grande. Alors comme ça les rumeurs sont vraies ? Tu as été

désignée pour te rendre chez les elfes ?

            — Il faut croire…

            — Je plains les elfes alors…

            — Mimi ! s’exclame Alana indignée mais un léger sourire éclairait le visage de l’imposante femme.  

            — Qu’est-ce que tu fais encore en serviette ? s’exclama Murzim en fronçant les sourcils.

            Elle se tourna vers les servantes et claqua des mains d’un coup sec.

            — Amenez-moi sa robe et des souliers. Toi, désigna-t-elle d’un signe de tête, sèche les cheveux de mademoiselle. Allez, nous n’avons pas toute la journée !

L’agitation reprit aussitôt sa place dans la salle des bains. Les vêtements furent étalés sur une commode en bois proche d’Alana qui fut obligée de se séparer de sa serviette, révélant sa nudité avec un peu d’embarras. Elle enfila un dessous de soie blanche dont la caresse sur sa peau lui parut infiniment douce avant que Kheka l’aide à enfiler un corset qu’elle relia soigneusement derrière son dos. Une autre servante s’approcha d’elles pour participer à l’enfilage de la robe dont le pesant velours vint bientôt caresser les pieds d’Alana.

Une fois prête, Murzim la dirigea vers la porte pour la mener dans sa chambre située à l’opposée du château. Alana franchit le seuil et fut conduite par Mimi jusqu’à la petite entrée de service qu’elle avait déjà empruntée pour pénétrer dans les couloirs de pierre. Le bruit des talons de ses souliers lui tira une grimace et elle ne put s’empêcher de marcher bizarrement, cherchant en vain une position confortable.

Elle traversa les jardins le nez en l’air pour ne pas rater la profusion de richesse qui s’étalait devant elle. Elle ralentit le pas quand elle aperçut les terrains d’entrainements des gardes. Elle s’en approcha sans faire attention au soupir désespéré mais nullement surpris de Murzim. Elle s’accouda à la barrière de bois qui en délimitait l’accès. Derrière, deux jeunes hommes se chamaillaient sur leur mérite respectif au combat.

Le premier était d’une taille moyenne malgré une forte carrure. Son visage banal était étiré par un sourire charmeur qui rattrapait un nez assez gros. Il avait des cheveux marron noués dans son dos par un morceau de soie noir. Il dégageait une impression de sureté et de calme. Le deuxième était beau comme un Dieu. Des mèches noires venaient caresser un visage dont chaque trait semblait réalisé avec finesse. Il était plutôt grand et élancé contrairement à son compagnon et ses yeux bleus pétillaient d’espièglerie.

Leurs armes attirèrent son attention. Elle avait travaillé quelques semaines avec le forgeron de Syrma quand son fils s’était cassé la cheville. Elle avait appris à connaître les signes qui trahissaient une arme de maître d’une arme faite par un amateur. Elle nota la qualité de leurs lames avec plaisir ainsi que la pointe acérée qui les terminait.

 

            — Bonjour, lança Alana à l’adresse des deux garçons.

            Idrux Ehl’en et Dhalim Fekda tournèrent la tête surpris, en direction de la jeune fille.

            — Je suis désolée si je me montre indiscrète, continua-t-elle, mais j’ai cru comprendre que vous vouliez faire un duel.

            Les deux jeunes gens se regardèrent et abaissèrent leurs épées avant de s’approcher. Alana n’avait pas conscience de l’image qu’elle projetait, vêtue d’une jolie robe qui mettait en valeur sa taille fine et une poitrine bien faite pour sa petite taille. Ses cheveux en cascade dans son dos étaient bien loin de la queue de cheval farfouilleuse qu’elle arborait d’habitude et sa présence accoudée à la barrière était singulière.

Murzim qui était restée à l’écart laissant Alana découvrir seule le champ de combat, vit sa bouche béer de surprise. Elle s’élança aussitôt vers la jeune fille en de grandes enjambées pressées. Elle arriva à ses côtés tandis qu’elle s’apprêtait à saluer Idrux et Dhalim en tendant une main par delà la barrière.

— Alana ! s’écria-t-elle choquée. Retire cette main tout de suite !

Alana fronça les sourcils mais fit ce que Murzim lui ordonnait.

— Mais Mimi…

— Tais-toi jeune insouciante ! s’exclama-t-elle d’un ton sec avant de s’incliner dans une profonde révérence devant les deux jeunes hommes. Mon prince, mon seigneur, veuillez excusez l’attitude de mademoiselle, elle vient juste d’arriver au château.

            Alana ouvrit de grands yeux quand elle comprit l’identité de ceux qui se tenaient devant elle. Elle dévisagea les deux garçons avant de s’incliner vivement à son tour devant Idrux.

            — Excusez-moi mon prince, j’espère que vous pardonnerez à une ignorante son impolitesse. Mon seigneur, ajouta-t-elle en direction de Dhalim.  

— L’erreur est oubliée, mademoiselle… ?

— Alana Sakmir, mon prince. Je vous en remercie.

Elle se redressa et se tint coite devant les deux jeunes hommes qui l’observaient avec curiosité.

— Comment savez-vous que je suis le prince, mademoiselle, si vous ne nous connaissez pas ? demanda subitement Idrux. Avouez que cela peut paraître suspect.

Alana tortilla ses pieds dans ses souliers inconfortables. Elle n’avait pas l’habitude de se sentir gênée ou mal à l’aise devant des personnes étrangères, mais jamais elle ne s’était imaginée converser avec un prince.

            — C'est-à-dire…, commença-t-elle en cherchant ses mots. Vous paraissez plus posé. Et mon seigneur votre compagnon serait incroyablement chanceux si le destin l’avait fait si beau et en plus prince.

            Idrux et Dhalim cillèrent, la dévisageant avec stupéfaction avant d’éclater de rire. Murzim devint au contraire d’un rouge profond et s’étrangla d’indignation. Elle se tourna vers Alana qu’elle fixa d’un regard inflexible, les mains sur ses hanches replètes.

            — Tu me fais honte, prononça-t-elle d’une voix impitoyable.

            Alana ouvrit de grands yeux, décontenancée par ses paroles. Son visage se ferma pour devenir un masque impassible. Ses traits ne laissaient plus rien transcrire de ses sentiments. Elle avait appris très tôt à confiner en elle ce qu’elle ressentait pour ne pas donner aux autres la satisfaction de voir la souffrance qu’ils avaient le pouvoir de lui infliger. Elle n’était plus l’enfant égaré et craintif qu’elle avait été et un solide bouclier l’empêchait de ressentir des émotions quand elle le souhaitait. Seul Jorin connaissait ses faiblesses et ses douleurs.   

            Alana s’inclina profondément devant les deux jeunes hommes qui étaient encore tout sourire, sans jeter un regard à Murzim.

            — Mon prince, mon seigneur, je m’excuse si ma franchise vous a paru impolie, prononça-t-elle dénué de sentiments. Je suis au regret de vous laisser. Dame Borept, je vous suis jusqu’à ma chambre.

            Murzim laissa retomber ses mains le long de ses flans tandis que sa colère se dissipait. Elle éprouva une pointe de remord pour avoir été si tranchante dans ses propos mais n’ajouta rien. Les deux femmes esquivèrent une nouvelle révérence tandis qu’elles se retiraient. Idrux et Dhalim inclinèrent la tête à leur départ, les lèvres encore étirées d’amusement.

            La démarche un peu raide, Alana s’éloigna du champ de combat à la suite de Murzim. Elle stoppa pourtant son avancée sans se soucier de se faire distancer et se tourna vers les deux garçons, le visage toujours impénétrable.

            — Si vous souhaitez vraiment faire un duel, mon prince, vous devriez changer d’épée. Je sais n’avoir aucun droit de vous conseiller et que j’agis au contraire de toutes les convenances, mais le rubis fixé sur votre pommeau doit déséquilibrer toute la lame. Ce qui est d’ailleurs fort regrettable vu sa qualité. Sur ces entrefaites, annonça-t-elle, mon prince et mon seigneur, je vous souhaite un bon entraînement.

            Alana se détourna dans une nouvelle courbette tandis qu’Idrux fixait bouche-bée son épée. Dhalim laissa son rire s’élever à côté de lui, enjoué. Jamais il n’avait vu une femme critiquer un objet royal qui plus est était une arme. Son regard la suivit pétillant de malice jusqu’à ce qu’elle disparaisse hors de sa vue.

 

The princes Zavilcea by VyrL  

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commentaires

C
<br /> je vien de découvrir ton blog, et ton histoire est superbe jusqu'a présent! bravo!<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Merci beaucoup ! J'espère que la suite te plaira également ! ;)<br /> <br /> <br /> Au plaisir !<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> j'adore, j'adore. la rencontre avec les deux hommes. L'image est très bien choisis, soit dit en passant :)<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Merci ! ^^<br /> <br /> <br /> Bonne après-midi et bonne future lecture ! ;)<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Lire permet de nous faire voyager ! On s'évade, on sort de ce monde abrutissant à souhait ! ça fait du bien de voir autre chose ! ^^<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Exactement ! ^^<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> C'est la magie de l'écrit ! ^^<br /> <br /> Un matin tu te lèves en tant qu'être humain de la terre puis le soir tu te retrouves en personnage fictif d'un monde inconnu ! XD<br /> <br /> Enfin bon, il ne faut pas non plus s'y croire ! Il y a quand même des limites à ne pas franchir ! ^^ C'est tout le travail de l'écrivain !<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> C'est sûr ! =P<br /> <br /> <br /> Mais ça ouvre dans de nouvelles perceptives, tout comme lire me diras-tu ! ^^<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Suis-je d'accord ? Bonne question...<br /> <br /> Et bien oui, tu as raison, je n'ai pas développé mais je te rejoins tout à fait ! Il est vrai, que pour moi, lorsque j'invente mes personnages, c'est juste pour qu'ils soient plus ou moins à ma<br /> ressemblance, mais après, c'est vrai, ça change complètement ! Ils prennent leur envol ! Nous sommes de nouveaux Frankenstein ! o/ Hum... pardon . Mais c'est un peu ce principe si on va par là.<br /> <br /> Vu que nous vivons pas la même chose qu'eux dans ce monde, c'est sûr que c'est délicat, si tu fais prendre à Alana, un tour en aigle par exemple ou si tu lui fais faire une rencontre avec un<br /> prince. Nous, on ne peut pas !<br /> <br /> Et dans un sens, on fait des personnages que nous souhaiterions être, un personnage non timide, un personnage extraverti, un personnage qui parle à tout le monde sans difficulté... etc. Nous sommes<br /> en fait dans deux mondes ! ^^<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Oui, et c'est ça qui est assez extraordinaire, se donner la possibilité d'être deux personnes tout en étant soi ! ^^<br /> <br /> <br /> <br />

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  • : Roman fantasy : Filandreux destin
  • : Vous voici entré dans un nouveau monde que vous découvrirez au fil de ma plume. Jeune écrivaine de 18 ans, j'ai le plaisir de vous présenter "Filandreux destin" mon nouveau roman. Bonne lecture !
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